Si dans les années 90, la frontière entre rock et hip-hop a été assez nette, si elle a été affirmée avec plus de force que dans les décennies précédente et suivante, c'est avant tout pour une question d'identité. Echaudés par l'expérience Elvis, les Afro-américains ont voulu mettre des barrières, et défendre le rap comme étant essentiellement une musique noire. La preuve, c'est que les grands groupes hip-hop d'alors tentés par une démarche crossover, ont été plus souvent latino que black. Ce fut d'abord le cas de Cypress Hill et de Deliquent Habits, plus tard de 2Mex et Xololanxinxo d'Of Mexican Descent, et, pile entre les deux, des Mexakinz.

THA MEXAKINZ - Tha Mexakinz

Wild West Records :: 1996 :: acheter cet album

Le second album de ce duo de Long Beach composé de Rudy "I-Man" Archuleta et de Rodrigo "Sinful" Navarro, était pourtant, encore, un pur disque de rap. Excepté le remix de "2 Many MC's" sur l'ultime plage, annonciateur de la suite avec ses guitares furibardes, on n'entend pas encore les influences punk du prochain album, le bien nommé Crossing All Borders. Ici, c'est encore du vrai rap nineties, avec des prouesses au micro, des offenses, du boom bap qui tape (la version originale de "2 Many MC's"), des basses assourdissantes ("Realism"), des virées jazz ("Burnin' Hot"), des scratches à tous les étages et des égo-trips, déclamés seuls ou avec Chino XL, Xzibit et Supherb, en anglais, ou bien en espagnol ("La Plaga", "Confessions", "The Wake Up Show"), pour souligner leur fierté latino.

Pourtant, de façon subliminale, ce disque a déjà quelque chose de rock. Il est très séducteur pour quiconque a été biberonné à cette autre musique. Peut-être pour le tour mélodique de ses beats, manifeste dès l'excellent "U Don't Even Know Me", puis avec le saxophone et les chœurs langoureux d'un "Never In this World" qui interpellera les fans de Sage Francis, et plus tard avec l'instru apaisée de "Instinct" et la guitare déprimée de "Provoke the Extreme". Peut-être aussi pour une simple question de sensibilité. Quoi qu'il en soit, si l'on oublie les incartades R&B moches d'époque sur le single "Problems" (les chants féminins de "Confessions" sont en revanche bien plus jolis), on tenait là un album solide, livré par un duo qui, premier groupe latino signé sur un sous-label de Motown, et présent en même temps sur Wild West, une division de l'American Recordings de Rick Rubin, aura su maîtriser d'un bout à l'autre de sa carrière trop courte l'art du grand écart.