"Le prochain album sera accompagné d'un dictionnaire", avait déclaré Noah23 sur "Julia Set", un titre issu du foisonnant Quicksand (2002). Cela n'aurait pas été une mauvaise idée. Car l'une des grandes caractéristiques du rappeur de Guelph, c'était de bourrer son rap d'expressions technologiques bizarres et de mots compliqués, issus du vocabulaire scientifique et médical, ou de la science-fiction. Ajoutés à cela son débit souvent rapide et le côté éclectique de ces beats passant sans prévenir d'un son folk à de la jungle, et les sorties de Noah23, depuis ce Neophyte Phenotype (2001) qui l'avait révélé, avaient de quoi laisser circonspect.

NOAH23 - Jupiter Sajitarius

2.nd rec :: 2004 :: acheter cet album

Sorti au terme de deux ans de préparation, chez les Allemands de 2.nd rec, et non plus sur son propre label, Plague Language, l'album suivant, Jupiter Sajitarius, ne serait finalement accompagné d'aucun dictionnaire. Nul besoin de cela, car cette sortie serait plus homogène, accessible et limpide qu'un Quicksand considéré pourtant par beaucoup comme le meilleur opus de l'Américano-Canadien. Assurée pour une dernière fois par The Orphan (avant que celui-ci ne s'embarque pour l'aventure Blue Sky Black Death), la production semblait plus sage que les fois précédentes. Pas de drum’n bass cette fois, mais davantage de boom bap et de beats funky, avec en sus les cuts du DJ Marmalade. Cette homogénéité et cette épure - très relatives, on entendait tout de même un refrain ragga ("Scream") et du banjo ("Camera Shy") sur cet album - mettaient en valeur les talents de rappeur de Noah23 avec plus d'efficacité qu'avant, elles lui laissaient plus de champ.

Les paroles, composées d'une foultitude de mots qu'on ne trouverait même pas dans un Harrap’s, étaient toujours aussi difficiles à décrypter. Mais elles sonnaient mieux que jamais, servies à merveille par le flow multiforme du MC, capable de donner autant dans du rappé/chanté (sur "As Below So Above" et ailleurs) que dans du double time ("Chicken Pox"). De l’entrée tonitruante de "Lizard Lion Eagle" jusqu’au piano beau comme tout d'un magnifique "Petit Mort", une apothéose produite par Varick Pyr (un collaborateur de Sage Francis), en passant par la guitare jazzy de "Photo Soul Decay", l’indolent "As Below So Above", le funky "Godhead Omlet", le somptueux "Nova Planet" ou les interventions de Ceschi Ramos (sur "Scream"), Modulok (sur l'apocalyptique "Dead Owl Funk") et Livestock (sur "Zapata Physicians"), c'était du Noah23 au sommet de son art.