Les Micranots avaient impressionné en l'an 2000 avec Obelisk Movements, un pur disque d'indie rap halluciné et apocalyptique, caractéristique de l'époque, sorti sur Sub Verse, le label de Bigg Jus. Cela n'avait pas été leur premier album, cependant. C'est en fait dès le milieu des années 90 qu'I Self Devine, le rappeur, et Kool Akiem, le DJ, s'étaient manifestés, avec Return of the Travellahs, une sortie sur cassette qui soutient aisément la comparaison avec l'autre disque.

MICRANOTS - Return of the Travellahs

Rhymesayers Entertainment :: 1996 / 2003 :: acheter cet album

Cette sortie fut enregistrée à une époque où le duo était séparé. I Self Devine s'était alors installé pour Minneapolis, et il tentait tant bien que mal de rester en contact avec Kool Akiem, demeuré quant à lui à Atlanta. De ses allers et retours vient d'ailleurs, sans doute, le "travellahs" du titre. Le rappeur sut toutefois mettre à profit cette relocalisation en rejoignant le collectif Dynospectrum, où sévissaient Slug et Musab. Rien d'étonnant, donc, si c'est le label de ces derniers, Rhymesayers, qui permit à Return of the Travellahs de reparaitre en 2003, sous version CD et remastérisée, après que le duo se soit embrouillé avec Sub Verse.

Ceux qui avaient découvert les Micranots avec Obelisk Movements n'étaient pas totalement dépaysés sur cet autre disque. C'était le même rap de haute volée, parsemé à l'occasion de paroles obtuses et ésotériques. On percevait toutefois que cet album avait précédé l'autre de quelques années. Ce splendide "141 Million Miles", ce "Farward" tout en contrebasse, l'orgue de "Every Devil", pour citer quelques uns des meilleurs titres, sentaient encore bon l'essence jazzy du classic rap du milieu des années 90. Le "So Deep Remix", une suite à leur première mixtape, So Deep I Never Fell (1995), dont ils recyclaient aussi le "Decapitation Free", sonnait même encore plus ancien avec son sample vintage de James Brown.

Return of the Travellahs appartenait encore à la première phase du rap indé, la puriste, plutôt qu'à la deuxième, la futuriste, l'expérimentale. Le parti-pris des Micranots était patent dès le premier titre, un "Slave" minimaliste où les esclaves qu'I Self dénonçait étaient les mauvais MCs qui menaient le hip-hop dans le mur, et qu'il s'appliquait donc à corriger. Il s'agissait bien de cela, d'un retour aux fondamentaux, comme le démontraient les paroles du rappeur, pour l'essentiel un éloge de ses compétences au micro ; comme le prouvaient aussi ces scratches, omniprésents, qu'ils soient un simple accompagnement, ou que Kool Akiem se livre à de véritables solos de turntablist. C'était un retour à la base, et un retour réussi, malgré un léger essoufflement sur la deuxième moitié du disque. C'étaient aussi les fondements solides d'une suite qui se montrerait tout aussi remarquable.