Angel Del Villar II, alias Homeboy Sandman, est originaire du Queens. Il est diplômé en droit, mais il a préféré s'engager dans une carrière de rappeur, où il s'est rapidement distingué par son habileté verbale, sur la scène, notamment, du Nuyorican Poets Café. Ses sorties autoproduites, Actual Factual Pterodactyl (2008) et The Good Sun (2010), ont bénéficié d'une cote substantielle, ce qui lui a permis, in fine, de signer chez Stones Throw, l'institution indé de la Côte Ouest. Après deux EPs, il y sort un nouvel album moins confidentiel, First of a Living Breed.

HOMEBOY SANDMAN - First of a Living Breed

Stones Throw :: 2012 :: acheter cet album

Avec un tel pédigrée, il est clair que ce rappeur donne dans un hip-hop intello et propre sur lui, qu'il est à l'extrême opposé du trap rap fier-à-bras qui sévit ailleurs en Amérique. Cela est confirmé bien vite par cet album qui sent la nostalgie pour un temps où le rap était encore science du sample et des mots, et qui aime les vieilles routines, comme avec le diss track "Eclipsed". C'est un disque où, posé, réfléchi, l'intéressé s'exprime sur le mode de la conversation, conseille les enfants ("For the Kids"), exhorte les gens à la prise de conscience ("Illuminati") ou, humble, fragile, rappeur normal comme d'autres se déclarent présidents normaux, affirme que le monde de la musique ne l'a pas vraiment changé ("Not Really").

Cet adult rap pavé de bonnes intentions, on le sait, confine souvent à l'ennui. Ce risque, Homeboy Sandman s'y expose parfois. Mais l'album, au final, est plutôt bon, et les beats y sont pour beaucoup. Certains pourraient reprocher à First of a Living Breed une production déraisonnablement éclectique, un manque de cohérence dû au grand nombre de producteurs qui y sont conviés (Oh No, Oddisee, Jonwayne, 6th Sense, Invisible Think, et d'autres encore). Toutefois, c'est tout le contraire, les beats en sont même l'une des principales attractions.

D'emblée, "Rain" marque les esprits, avec son instru façon jeu vidéo, un exercice répété plus tard, avec le titre final "Let’s Get ‘Em’s". Ailleurs, "Illuminati" est porté à merveille par une musique ambient, de même que cette autre réussite qu'est le titre éponyme. Une flûte paisible habille un portrait de New-York sur "4 Corners". On note également quelques curiosités assez inédites : "For the Kids", par exemple, est accompagné fort à propos par le sample d'un enfant que l'auditeur trouvera, au choix, malin ou irritant ; le faiblard "Cedar and Sedgwick" ressemble à un drôle de concerto pour couteaux et fourchettes ; et, plus convaincant, "The Ancient" allie quelque instrument à vent oriental à des "hou ha" de sauvages.

Ces variations incessantes sont, la plupart du temps, épousées avec facilité par le rap de Homeboy Sandman. Il sait y adapter son intonation, sa voix, son phrasé, par exemple quand il se lance dans un chanté / rappé léger pour accompagner les cuivres et le piano dégainés par Oddisee sur le charmant single "Watchu Want From Me?", ou plus tard, quand le rappeur privilégie au contraire un débit robotique ("Sputnik", "Mine All Mine"). Et c'est sans doute cette élasticité, cette versatilité, autant que ses qualités purement "lyricales", qui confirment, avec l'ensemble de l'album, que les critiques élogieuses collectées par Homeboy Sandman le long de ces dernières années, n'étaient pas totalement imméritées.