C'est le coup classique de l'œuvre incomprise. Sorti en 2004, par des protégés du producteur KutMasta Kurt (son nom apparait dans le titre, mais il n'a pas vraiment pris part au disque), cet album a été fraichement reçu. Tout, à peu près, a été reproché à Dopestyle 1231 : de n'être ni funky ni mélodique ; d'arriver pour la fumée des cierges, dix ans après la vogue du rap underground de science-fiction ; de virer à la formule. Pourtant, c'est précisément tout cela qui le rend délectable.

DOPESTYLE 1231 - KutMasta Kurt Presents Dopestyle 1231

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Aucun de ces reproches n'était tout à fait infondé. MC Dopestyle, de sa voix toujours rugueuse et sépulcrale (si l'on excepte quelques passages où il s'essayait à un falsetto incongru), et Tom C avec sa production sombre, jouaient à fond des ambiances malsaines déjà entendues autrefois. Comme l'indiquait la présence de Del, Kool Keith, Motion Man et Vast Aire (sur un "Sunz of Shazam" halluciné à souhait), en plus du parrainage de KutMasta Kurt, le duo s'inscrivait donc fermement dans la tradition du rap gothique et bizarre de la fin des années 90.

Comme l'annonçait la pochette, Tom C et Dopestyle renouaient avec les thèmes cryptiques et morbides de l'horrorcore, ce dès "I'm Grendel". Comme maints autres avant eux, ils jouaient d'effets façon train fantôme (les rires d'outre-tombe de "Threshold Underbelly"), d'atmosphères évanescentes (la voix féminine de "Darkspell") et ils empruntaient au rock ses sons les plus poisseux, en forçant particulièrement sur la guitare, samplée en boucle sur "Granulated Sugar", haletante sur "Threshold Underbelly", mordante sur "Bobby Wobbly", tendance heavy metal sur "Lone Ramblin'", "Rap Delite Delux III" et "The Game Is Finished".

Ce duo issu de la trépidante Baie de San Francisco ne faisait que reprendre la formule étrennée par Dr. Octagon, en fait, substituant tout juste à la thématique science-fiction celle du film d'horreur. Le titre avec Kool Keith, "Wedgie", n'aurait d'ailleurs pas dépareillé sur Dr. Octagonecologyst. Mais si on s'efforçait de juger cet album de Dopestyle 1231 comme il fallait le faire de Dr. Octagon, comme une sorte de comic book rap, il était difficile de bouder son plaisir et de ne pas réaliser que, bien plus qu'un Deltron 3030 surcoté en son temps, ou que l'anecdotique Return of Dr. Octagon sorti en 2006, ce disque là a été tout compte fait son plus digne successeur. Et si certains ne l'ont pas réalisé, c'est tout simplement que, déjà, en 1996, ils n'avaient pas vu passer le fameux docteur de l'espace.