Turntablism ! Scratches, cuts, prouesses aux platines ! Voilà ce que nous a toujours offerts Dave Cuasito, alias D-Styles des Beat Junkies, ex-Invisibl Skratch Piklz, l'un des tout meilleurs DJs que nous a livrés cette communauté d'origine philippine établie sur la Côte Ouest américaine, devenue experte dans la manipulation des vinyles. Qui plus est, non content d'exceller dans son domaine et d'avoir illuminé de nombreux disques de ses talents de scratcheur, il a sorti l'un des rares albums dans cette veine écoutables et réjouissants d'un bout à l'autre.

D-STYLES - Phantazmagorea

Beat Junkie Sound :: 2002 :: acheter cet album

Phantazmagorea, c'est la loi du genre, n'est pas un disque touchant, émouvant, immersif, quelque chose qui vous secoue et vous retourne les tripes. Mais cet album a un autre atout : il est continûment ludique, fantaisiste, inventif. Il est drôle, même, malgré le goût du DJ pour les sons macabres, les films d'horreur et les rires d'outre-tombe ("Murder Faktory"). D-Styles, en effet, sait manier l'ironie et le grotesque. Il s'amuse des jurons qu'apprécient les rappeurs sur "Beautiful Ugly Sound", il se joue des extraits d'un film X allemand sur "Smorgasborg of Sodomy", et il se livre à des associations de paroles improbables, comme avec ce "Won't You Be My Neighbor", où est catapulté un abscons "il aime les hamburgers et les glaces au chocolat", au milieu de paroles d'une tonalité plus morbide.

D-Styles sait porter sur disque des purs moments de deejaying, s'engageant par exemple dans une battle contre Q-Bert sur le très bon "Cliffords Mustache". Mais il maîtrise aussi le format plus traditionnel de la chanson. Même s'il n'y a aucun chant ni aucun rap, tout juste des extraits de dialogues issus de quelques films obscurs, le DJ sait jouer des refrains, comme sur l'astucieusement nommé "John Wayne on Acid", un modèle du genre. Ou au contraire, il s'aventure dans un finale épique et démembré de plus de 15 minutes ("Mr. Arrogant"). Pour nous faire voyager en terrain familier, il s'amuse aussi des routines du hip-hop, comme avec "Like that Chall" et "Flowtation Device", et il adopte les vieilles habitudes des rappeurs, en se lançant dans un posse cut de DJs, "Felonious Funk" avec DJ Babu, Q-Bert et Melo-D, un titre absolument savoureux. Enfin, pour varier les plaisirs, il flirte aussi avec d'autres genres musicaux, comme le dub ("Terror in Dub").

Varié, accrocheur, facétieux, malin, Phantazmagorea amuse plus qu'il ne ravit. Mais il nous apporte aussi tout ce que ce style davantage destiné au live, le turntablism, peut offrir de meilleur sur une durée si longue, sans jamais lasser, sans se limiter à un étalage de virtuosité. Il nous donne exactement ce qui est promis dès la première phrase du disque : le son moche le plus beau du monde.