Le hip-hop a toujours abrité, en son sein, son propre contraire. Aujourd'hui même qu'il semble glorifier, plus que jamais, l'ignorance et la sauvagerie, une version plus littéraire et plus réfléchie perdure. Quand certains préfèrent jouer de la punchline, d'autres privilégient le sens. Alors que des rappeurs ne jurent plus que par leur swag, les autres se montrent plus discrets, ils se contentent d'une apparence plus passe-partout, plus anodine. Au party rap électronique, répond un autre, plus influencé par le rock. Aux synthés clinquants s'opposent des beats plus composés, riches en samples et en partie jouées avec de "vrais" instruments.

ARCHETYPE - Red Wedding

Dekagon Records :: 2012 :: acheter cet album

Cet autre rap n'est pas toujours meilleur que le premier. A dire vrai, c'est même bien souvent le contraire, la respectabilité étant, de manière générale, la compagne la plus fidèle de l'ennui. Mais certains savent tirer leur épingle du jeu, comme Jeremy Nesbitt (alias Nezbeat) et Isaac Diehl (alias iD), deux Blancs qui forment ensemble Archetype. Originaire de Lawrence, Kansas, le duo a sorti par ses propres moyens quelques albums notables, comme Freehand Formula en 2002, Bleed for Them en 2006 et, en 2012, ce Red Wedding qui devrait être leur dernier, les deux hommes ayant choisi de mettre fin à leurs aventures communes.

Sur ce disque ambitieux qu'ils ont mis cinq années à concevoir, avec le renfort décisif de musiciens locaux, la duo a accordé un soin particulier à la composition, notamment aux structures rythmiques, diverses et sophistiquées. Bien loin de la dictature de la boucle, ce sont des agencements subtils qu'il a privilégiés, des titres dont le son est capable d'évoluer et de changer du tout au tout, en cours de route, comme avec "Dr. Bravo", où les guitares bruyantes du début cèdent soudainement la place à des cuivres, avant que les deux instrus ne se confondent.

Ce titre est celui qui, sur Red Wedding, se rapproche le plus d'un single. Mais il n'est pas le plus marquant. L'attraction principale, ici, ce sont plutôt les chœurs féminins vaporeux, les percussions saccadées et la guitare diaphane de "Look Away", cette réflexion sur le retour perpétuel des mêmes problèmes et des mêmes chagrins qu'est "Same Ol Tears", où se succèdent flûte, violons et une nouvelle guitare, électrique et sourde, et ce "Winding Mind", qui conjugue un vibraphone à une mélodie aux accents médiévaux. Ce sont ces titres qui, les premiers, honorent la promesse de recherche et de musicalité qui nous est faite par Archetype.