Le rap indé de la fin des années 90, celui dont le présent site a autrefois fait ses choux gras, n'est désormais plus très frais. Toutefois, il n'est pas mort. Aucune scène ne disparait jamais vraiment, et celle-ci, en particulier, respire encore. C'est juste qu'elle ne ressemble plus vraiment à ce qu'elle était alors, ayant souvent troqué le purisme boom bap du début et les expérimentations qui font mal à la tête pour la mélancolie, pour une posture lunaire et pour des couleurs diaphanes.

ABSURD. - Close to Distantly

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Le rap indé survit à travers des artistes, par exemple Ceschi Ramos, Bleubird, Filkoe ou Babel Fishh, des gens dont même la plupart des fans acharnés de rap n'ont jamais entendu parler. Et son périmètre, avec le temps, est devenu très international, puisqu'on peut y croiser également les Anglais Reindeer (ou jamesreindeer) et James P. Honey, ou encore le partenaire de ce dernier au sein du duo Murmur Breeze, un producteur français dénommé AbSUrd., dont la dernière sortie réunit sur une seule et même galette tous les gens précités, ainsi que quelques autres, au travers d'une ribambelle de titres enregistrés sur plusieurs année et fidèles à la formule musicale alt-rap mentionnée plus haut.

Cette formule, AbSUrd. la pousse au bout de sa logique. Il privilégie une musique contemplative, parsemée de touches de guitare ("Intro", "Natural Forks", "Human Weakness Lead Astray", "A Lesson in Skinning Goats"), voire de harpe ("Thin Air"), de clochette ("Perpetual Questions Pursue") ou de sitar ("Somewhere Else", et ce "Muddy Perdition" agrémenté de bruits de grenouilles et d'eau qui coule). Il opte pour une ambiance ouatée qui ne se limite pas aux instrumentaux. Même les titres rappés s'écoutent comme la bande-son d'un film imaginaire. Les rappeurs ne font que suivre la tonalité générale des beats, avec ces paroles déclamées pour la plupart d'un seul tenant, à un excellent Bleubird et à un médiocre Univac près.

Cet album a été conçu avec soin et attention. C'est évident, autant par ce packaging malin conçu avec l'aide de Mlle Métronome, que par cette musique toute en délicatesse. Une délicatesse qui est la qualité d'AbSUrd., mais aussi, souvent, son gros défaut. A force de sonner comme une B.O., sa musique se montre parfois trop plate. Trop transparente, elle s'oublie, elle peine à remuer les tripes et à secouer le ventre, hormis sur de beaux passages finaux, notamment ce superbe titre à guitare interprété par Ceschi, "Even Sultans Fall", une petite merveille folk rap comme Mr. Ramos les affectionne, et qui lui va comme un gant.