Darc Brothas Records :: 1998 :: acheter ce disque

On jurerait plutôt avoir affaire à un représentant du rap glauque et futuriste qui sévissait alors dans les tréfonds new-yorkais, autour de cette même année 1998, et dont Company Flow étaient les maîtres. Pourtant, c'était bel et bien de la trépidante scène de la Baie que provenait le trio composé du MC Jihad, du producteur Dufunk et, plus connu, du turntablist D-Styles (Beat Junkies, Invisibl Skratch Piklz), un homme qu'on avait vu prendre part à des aventures plus ludiques que ce Golden Shower Hour emblématique des premières heures du mouvement indé, celles du hip-hop gothique et cataclysmique de la fin des 90's.

Ce rap là se donnait la mission habituelle de l'underground, celle de dénoncer les wack MCs. Il restait fidèle à la scansion grave, à la précision clinique et à la rythmique imperturbable du boom bap, mais il les poussait dans leurs retranchements, jouant d'une austérité à donner la chair de poule ("The Execution Starts", à titre d'exemple), à l’aide d’un son pesant et d’un champ lexical sinistre, mortifère et malsain, avec ses histoires de prise d'otage et de chambres à gaz.

Servi à la perfection par la voix profonde de Jihad et par de larges espaces offerts aux parties instrumentales, notamment aux scratches impeccables du virtuose D-Styles ("Rhymes Like a Scientist", "Smegma in D Minor"), l'album était un modèle de consistance, malgré ses changements de débit et de mouvements, en rupture avec le rap d'avant. A force, ça confinait parfois à la formule (des "I Will Never Leave You" et "I'm Kinda Vain" linéaires). Mais ça donnait lieu aussi à quelques titres d'anthologie, parmi lesquels, introduit par du turntablism somptueux, un long et indolent "Rhymes Like a Scientist", presque une anomalie sur ce disque étouffant, puis cet "Hostage" incroyablement lourd et oppressant.

Ces titres étaient exceptionnels. Il faudrait, cependant, en retenir le goût longuement. Third Sight, en, effet, attendrait huit longues années avant de proposer un successeur à cet album, un Symbionese Liberation Army également très prisé, mais plus aussi fort et neuf que ce fondamental Golden Shower Hour.