Plantons le décor : un certain Dan Smith, alias Listener, MC échappé de Deepspace5, groupe central de la galaxie du rap chrétien, dont il a été le fondateur, signe en 2010 son retour, accompagné de deux comparses, Kristen Smith à la basse, et Chris Nelson à la batterie et à la guitare. Sept ans après un détour pas franchement remarqué par chez Mush Records, l’ex-rappeur, qui arbore désormais une élégante moustache, se lance le long de tout un disque dans un exercice éprouvant de spoken word, où il déclame sa philosophie personnelle.

LISTENER - Wooden Heart

Il la braille toutes tripes dehors, d’une voix d'écorché vif et d’un ton alarmé, à gorge déployée, limite éploré, sur un fond aux consonances rock orageuses étiré sur des titres à rallonge façon "You Have Never Lived Because You Have Never Died" ou "Save Up Your Hopes Friends", qui tirent à toute force sur la corde sensible et qui sonnent comme autant de sermons ronflants.

OK, vous êtes toujours là, vous n’avez pas fui ?

Tant mieux, car malgré ces abords ingrats et cette description qui ne donne pas envie, Wooden Heart est un album qu'on se surprend à aimer, avec une jouissance mêlée d’embarras. Cela, notamment, grâce à son instrumentation riche, grâce à cette guitare libre, qui souffle le chaud et le froid, passe du lent au frénétique, du calme au furieux, du triste au trépidant, de l’acoustique à l’électrique, et se mâtine d’ukulélé ("You Have Never Lived Because You Have Never Died"), de banjo ("Save Up Your Hopes Friends"), de violoncelle ("Most Roads Lead To Home", "Seatbelt Hands"), de nappes synthétiques ("Falling In Love With Glaciers"), de trompettes ("Building Better Bridges", "You Were a House on Fire", "Falling In Love With Glaciers"), qui se met au service des textes tout comme des beats parfaits savent se soumettre à leur rappeur, et qui ne s’empêtre jamais dans le galimatias jazz rock infâme qui menaçait.

Dan Smith avait déjà proposé plusieurs des titres ici présents sur un autre album, Not Waving Drowning (2009). Cependant, sur Wooden Heart, il les sublime, il les transporte dans une nouvelle dimension. A dire vrai, pourtant, on sort un brin KO de ce disque de post-rock, de post-hip-hop, de post-slam, de post je-ne-sais-quoi encore (pour Listener lui-même, il s’agit de "talk music"). KO mais repu, sinon par les leçons de vie récitées dans l’urgence par Listener, alors par l’expérience musicale que nous fait vivre ce disque à fleur de peau, mais réussi.

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PS : merci à l’ami Gnusball de m’avoir fait connaître ce disque.