Non content d'avoir été une figure des influents Ultramagnetic MC's au cours de la décennie précédente, Kool Keith remet donc ça en 1996. A nouveau, il bouscule et il réinvente le rap. Il s'imagine cette fois sous les traits d'un gynécologue extra-terrestre tueur, excusez du peu, le temps de l'aventure Dr. Octagon. A l'occasion, notre homme s'est entouré d'une dream team de talents prometteurs, issus de New York comme de la Baie de San Francisco, et qui feront tous parler d'eux dans les années suivantes : The Automator et Kut Masta Kurt à la production, Q-Bert aux platines, Sir Menelik aux raps, ainsi que DJ Shadow, pour un remix.

DR. OCTAGON - Dr. Octagonecologyst

Sans renoncer à aucune des formules du rap, tous ces gens en délivrent une version rénovée. Les paroles déjantées de Kool Keith, ancien malade psychiatrique obsédé par le sexe, l'horreur et la science-fiction, la bizarrerie des beats néanmoins accrocheurs de The Automator, les scratches dévastateurs de Q-Bert, la participation de "vrais" musiciens, tout alors, concourt à faire de cet album un aperçu crédible du hip-hop du futur. Celui de l'an 3000, à en croire le rappeur.

Les titres sont fantastiques. Avec "Earth People", sur un synthé menaçant, Kool Keith se lance dans des élucubrations science-fiction. Sur le somptueux "Blue Flowers", à coup de violon, de basses minimales et de sons inquiétants, The Automator distille une ambiance langoureuse et malsaine, qui se mêle en fin de parcours aux scratches tordus de Q-Bert. Sur "Bear Witness" un titre presque entièrement instrumental, tout en scratches et en saveur délicieusement old-school, Q-Bert fait une démonstration saisissante de turntablism.

Sur "I'm Destructive", sans renoncer aux boucles et aux scratches, l'équipe de Dr Octagon recourt avec fureur aux grosses guitares, réinventant la fusion rock / rap telle qu'elle avait existé dans le hip-hop des années 80. Sur "Wild and Crazy", Kool Keith s'engage dans un pur délire de rap surréaliste, sur un beat extrêmement rêche qui saisit à la gorge.

Cet album est à contretemps du rap de l'époque, il plonge ses racines dans celui de la décennie précédente. Pourtant tout ici sonne neuf, inventif, étrange, psychédélique. C'est tellement distinct du hip-hop qui domine alors les médias, que Dr. Octagon ne percera jamais auprès du grand public.

Distribué en Europe par Mo'Wax, flirtant parfois allègrement avec les sons du trip hop, il touchera toutefois des gens habituellement peu concernés par le rap. Et fera de Kool Keith le parrain de toute une génération de rappeurs portés sur l'expérimentation et les thèmes pseudo-scientifiques, et prompts à bousculer leur genre de prédilection.

Acheter cet album




PS : ci-desous la version Mo'Wax (anglaise) de la pochette.

DR. OCTAGON - Dr. Octagonecologyst