Preuve qu'il est la nouveauté la plus notable dans ces années 2000 où le rap paraît (à tort) sur le déclin, le crunk est alors une pomme de discorde. Beaucoup, parmi les puristes du hip-hop, n'apprécient pas ce rap plus démagogique que jamais, bâti sur des synthés terriblement cheap, résumé par des obscénités aboyées par des rappeurs en rut et délaissant les velléités artistiques pour redevenir une musique de club.

CRIME MOB - Crime Mob

Ces gens, parfois, sont conscients qu'ils font au crunk les mêmes reproches que ceux adressés autrefois au rap, en général. Ils n'en trouvent pas moins davantage de subtilité, de double-sens, de finesse et de contenu social dans le gangsta rap le plus nihiliste de la décennie passée, que dans cette ultime incarnation d'un Dirty South populiste et décérébré.

A l'inverse, d'autres dans l'intelligentsia critique, plus snobs, se souviennent que, à la manière du punk, le meilleur nait souvent de la vulgarité la plus crasse. Et ils voient dans ce rap de danse sale et agressif l'avenir musical du nouveau siècle.

Néanmoins, s'il est une chose sur laquelle tous ces commentateurs s'accordent, à propos du crunk, c'est qu'il s'agit davantage d'un genre à singles que d'une musique à albums. En écouter sur près d'une heure, c'est éprouvant pour tous.

Toutefois, n'en déplaise à ses détracteurs, le premier album de Crime Mob est une exception. Il est l'exemple peu commun d'un disque de crunk à apprécier sur toute la longueur.

Le sextet, lancé à Atlanta par Crunk Incorporated, n'y va pourtant pas avec le dos de la cuillère. "I ain't no Joke", braillent-ils. Certes, mais ils ne sont pas Rakim non plus. Tant dans les textes qu'avec ces chœurs martiaux et ces synthés pas discrets, c'est l'artillerie lourde qui est de sortie. Diamond, Princess, Cyco Blac, M.I.G., Lil Jay et Killa C ne sont pas des tendres. Le dernier ira d'ailleurs bientôt en prison pour n'avoir rien fait de mieux que molester son petit frère.

Et il ne faut pas compter sur les deux filles pour adoucir les mœurs. Plutôt que de la contester, Diamond et Princess se complaisent dans l'image de la femme-objet, sexy et apprêtée pour se faire sauter dessus par des hordes de mâles. Elles n'en sonnent pas moins revêches et dangereuses, et elles contribuent pour beaucoup à la réussite de l'album, de ces titres abrasifs et d'une invraisemblable grossièreté, mais parsemés de bonnes idées (la cloche de "Crunk, Inc.", la musique doucereuse et les cris de "Knuck If You Buck", le mélodique "Diggin Me") et qui retentissent comme des hymnes.

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