Il y a de tout, dans la discographie prolifique des Restiform Bodies. De l’officiel et du non-officiel. Du CD, du CD-R, de la cassette, des mixes en ligne. Du payant et du gratuit. Du collectif et du solo. Cependant, d’une sortie à l’autre, il est difficile de faire la différence : car quel que soit le support, c’est toujours ce hip-hop postmoderne en forme de patchwork, mêlé de rock, d’électronique et de bizarreries sonores. Ca respire toujours l’amateurisme, c’est systématiquement ce rap fantasque et exubérant qui cumule idées géniales et sons foireux, sans que n’apparaisse jamais le moindre souci de faire œuvre. Aussi est-il difficile de distinguer un disque en particulier de toute cette production. Quel album des Restiform Bodies est intéressant ? Tous. Lequel est un aboutissement ? Aucun.

BOMARR - Scraps

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Cependant, celui qui s’en rapproche le plus est peut-être bien ce Scraps du Bomarr Monk (ou tout simplement Bomarr), l'un de ces nombreux side projects enregistrés à l’arrache par les membres du groupe. Ce disque, en effet, est à l’origine un bête tour CD, téléchargeable gratuitement, collection disparate de sons inédits, de collaborations avec quelques figures de l’underground hip-hop (Sole, Ellay Khule, l’inénarrable Circus, et le compère Passage), agrémenté de remixes par Bomarr d’Of Montreal et d’Alan Astor ou, au contraire, de relectures de titres des Restiform Bodies par d’autres gens, comme Cars & Trains et Superargo.

C’est donc, comme toujours, du bordélique, du foutraque, du n'importe quoi. Mais c’est bien. Très bien même, que ce soient des instrumentaux haletants ("Trike"), virevoltants (le remix de "Happy Slapping") ou atmosphériques (un remix moins convaincant de "Chapel of the Chimes"), un beat électronique qui sied à ravir au phrasé formule 1 d’Ellay Khule ("Battle / Riflediss"), une ambiance sombre en lent crescendo qui convient aux logorrhées hallucinées de Circus ("Mossman"), un remix jouasse, trépidant et endiablé qui transfigure le flow de Sole ("Sin Carne") et, plus réussie encore, cette belle version du "Fantastic Fantasy" d’Alan Astor.

Des remixes un peu gadget (le "My British Tour Diary" d’Of Montreal), des instrumentaux creux ("The Return of Mental Illness") et des petites fantaisies inconséquentes ("Sneakmove iPhone Ringtone Song") s’insèrent au milieu de tout cela, mais y trouvent pourtant parfaitement leur place. Quant à l’alchimie avec Passage, elle est confirmée sur deux titres communs ("Atur", "This Perfect Day").

Scraps, cependant, n’est pas un chef d’œuvre, loin s’en faut. Les Restiform Bodies n’en sont pas capables. Ou plutôt si, ils en sont parfaitement capables, mais ça ne les intéresse pas. Ce qu’ils préfèrent, c’est faire jaillir leurs dizaines d’idées sans discernement, d'enregistrer sans filtre et sans frein tout ce qui leur passe par la tête. Scraps n’est donc pas un classique, pas un incontournable. Non. Mais c’est peut-être ce qui y ressemble le plus parmi la production pléthorique de ces gens.