Sorti il y a un peu moins d'un an, et accessible gratuitement sur le site de Ryan Lewis, l'artiste multicartes (photographe, designer, musicien) qui l'a produit, ce Vs EP bien reçu partout où il a atterri, marque un retour en grâce réussi pour Macklemore, après plusieurs années de silence liés à des problèmes d'ordre privé. Hein, Macklemore ? Mais quel est donc cet individu, me demanderez-vous sûrement ?

MACKLEMORE & RYAN LEWIS - The VS EP

Macklemore, c'est un rappeur de Seattle, blanc (normal, les Noirs ne sont pas légion à Seattle), que l'on a vu s'agiter sur le circuit indé au début des années 2000 (il a collaboré avec Orko Elohiem), et qui a été à l'origine d'une petite sensation sur le Web vers 2005 (découvert sur Myspace, tout ça...), grâce à son EP The Language Of My World. Et puis ensuite, plus rien, le noir, le néant, et pour cause. Notre homme a alors sombré dans la drogue et dans la dépression, disparaissant dans les limbes, jusqu’à cette récente réapparition.

Le rappeur revient largement sur ce triste épisode de sa vie sur le Vs EP. Dans la continuité de Sage Francis ou, plus près de lui, d'Oldominion, ses paroles sont toutes en introspection et en confession, sans cesser d'être mordant. Ses années de déchéance sont abordées sans ambages sur "Vipassana". Adoptant la posture du grand frère, il évoque son addiction et sa responsabilité de rappeur ("Otherside"), il traite de son rapport à la musique ("The End"), et il invite à ne pas regarder passer sa vie comme dans un film ("Life Is Cinema").

Cependant, comme notre homme n'est pas qu'un rappeur triste et pleurnichard, il sait aussi donner dans des choses plus festives, en se remémorant des souvenirs plus joyeux avec un autre MC sur "Crew Cuts", ou sur "Irish Celebration", un hommage à ses racines irlandaises et, ce qui va avec, aux soirées arrosées à la bière, à la façon de Pogues en version rap, comme l’a si bien remarqué un autre critique.

Toutefois, ce n'est pas les paroles qui retiennent le plus l'attention ici. Non, ce serait plutôt les beats que Ryan Lewis a réservé à Macklemore. Ici, la plupart des samples sont chipés à des groupes rock plus ou moins récents, Killers ("All These Things I’ve Done"), Beirut ("Scenic World"), Arcade Fire ("My Body Is A Cage"), Antony & the Johnsons ("Another World") et Red Hot Chili Peppers ("Otherside"). Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ne sont pas très discrets. Ils sont en effet recyclés quasiment tels quels, comme avant le sale temps des procès pour sampling intempestif, avec le même sans-gêne génial que ces premiers rappeurs qui, autrefois, rappaient sur des breakbeats cramés de James Brown.

Comme eux, Macklemore et Ryan Lewis parviennent à se les approprier et, paroles aidant, à en faire de nouveaux morceaux, voire à les sublimer et à jouer du clin d'œil. Ca défouraille, par exemple, quand Mack (appelons-le par son petit nom) rappe sur les orgues emphatiques d'Arcade Fire, accompagné par Champagne Champagne. Et les deux compères rendent le sample de "Scenic World" infiniment plus entrainant qu'à l’origine. Bref, tout cela est assez redoutable.

Et si, bien que Mack ait débuté dix ans plus tôt, c'était ça le rap, des années 2010 ? Certains, ceux qui se sont toujours trompés, risquent de détester. Le rap de Blanc emo, premier degré et perfusé au rock, ça déclenche de sales réflexes conditionnés. Mais justement, raison de plus pour y croire.

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