Candy Apple Grey est le premier Hüsker Dü chez Warner, la première signature d'un groupe phare du punk hardcore américain sur une major, un disque qui symbolise alors l'essor irrésistible de cette scène dans la deuxième moitié des années 1980, ses premiers pas vers un public plus large, consacrés par l'explosion du rock alternatif américain dans l'après-Nirvana, au début de la décennie 90. Mais si, malgré ce progrès, ou cette trahison, selon les points de vue, cette sortie n'avait pas été un événement si important ? C'est ce que Steven Blush laisse entendre dans sa fondamentale monographie sur l'épopée du punk hardcore américain :

HUSKER DU - Candy Apple Grey

Indier-that-thou types ragged on their big '86 big league debut Candy Apple Grey, but the only distinction between it and previous efforts was improved production quality (p. 226).

Blush a raison. Candy Apple Grey n'est pas la rupture dénoncée par ces puristes, outrés de voir un groupe important de la scène hardcore se vendre à une major. Les ballades, les influences du rock psychédélique (l'introduction étrange de "Too Far Down"), l'introspection ("I Don't Know For Sure", "Too Far Down", "All This I've Done For You"), les histoires d'amour difficile ("Don't Want To Know If You Are Lonely", "Sorry Somehow", "No Promise Have I Made"), les mélodies des chansons, notamment celles de Grant Hart, le groupe en a été capable sur Zen Arcade, New Day Rising et Flip Your Wig. Quant à sa facette la plus brutale, elle n'a pas disparu, comme le montre un "Crystal" furieux et abrasif placé au tout début, sûrement pas innocemment.

Non, si Candy Apple Grey a des raisons d'être le mal aimé des disques de Hüsker Dü, ce n'est pas à cause d'une quelconque trahison. Rien ne change par rapport aux disques d'avant, sinon, comme le souligne Blush, une production plus léchée, des instruments plus riches (orgue sur l'excellent "Sorry Somehow", flûtes et violoncelle sur "Too Far Down", synthé sur "Hardly Getting Over It", piano sur "No Promise Have I Made"), et des passages plus paisibles comme ce "Too Far Down" et cet angoissé "Hardly Getting Over It", joués à la guitare acoustique.

Le problème avec Candy Apple Grey, et il est mineur, c'est tout simplement la présence de titres moins percutants, comme le pourtant énergique "Dead Set on Destruction", ou cet "All This I've Done For You" final. Ce n'est qu'une question de comparaison. C'est juste que ce bon disque est peut-être moins monstrueux que ceux d'avant ou que son excellent successeur.

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