Vaut-il vraiment la peine d’écrire sur Crisis Tales ? Ne faudrait-il pas mieux copier-coller tout simplement l'article rédigé plus de trois ans plus tôt à propos de Wooden Tongues, l'album d’avant ? Car de prime abord, ce nouvel opus des Australiens fous semble une réplique exacte du précédent.

CURSE OV DIALECT - Crisis Tales

On y trouve les mêmes ingrédients : un rap fou fou fou qui fait feu de tout bois, même de cris de singes ("Identity") ou de chœurs d’enfants à la limite du faux ("35 Percent") ; une musique chaotique toute en surprises, comme les deux raps simultanés et en stéréo de "Draindrop" ; des cuts et du turntablism à l’avenant ; des samples venus de toutes les world musics possibles et imaginables, avec une prédilection pour l’Orient, le proche ou l'extrême ; de la politique qui ne mâche pas ses mots, avec des prises de position sur le multicultarisme et, tiens, sur l’identité, la nationale ou les autres.

Comme sur Wooden Tongues, le rappeur Vulk Makedonski dit aux Grecs d’aller se faire voir, rappelant fort justement que la Grèce moderne est une construction idéologique récente, un mythe national, au même titre, in fine, que sa FYROM d’origine ("Aegean Ghosts"). Aussi, comme sur l’album d'avant, un Japonais est invité à s'exprimer (MC Kaigen sur "Draindrop"). Et s'il ne s'agissait que d’un Japonais…

Pour en rajouter une couche et insister sur son caractère globalisé, bigarré et sans frontière, le quintet de Melbourne a convié aussi une palanquée de MCs à rapper en bulgare, allemand, polonais, indonésien, français et, bien sûr, anglais et macédonien, sur le long et l'excellent "Colossus". Sans oublier un peu d’espagnol à un autre moment ("Missionaries").

Et vous savez quoi ? Ca marche.

C’est un grand n’importe quoi, le beat change dès qu'un nouveau rappeur apparaît, mais à chaque fois, il fait mouche. Ca vaut d'ailleurs pour tout l’album. Ca tient à la route, c’est mieux à chaque écoute, même si l’absence d’un "Broken Feathers" ne plaide pas tout de suite en sa faveur.

Curse ov Dialect, c’est toujours ce que le rap conscient n’aurait jamais dû cesser d’être, un rap conscient qui ne serait jamais passé par la case nu soul et par la fausse sagesse de l’âge adulte, un hip-hop créatif qui saurait qu’il n’est plus nécessaire de faire du boom bap dix ans après la fin des années 90.

Un rap avec de la politique, de la polémique, de la rage, une musique qui prend à la gorge, des audaces stylistiques et du sampladélisme qui élargit les horizons, une musique festive mais engagée, qui "party for your right to fight", comme au bon vieux temps de Public Enemy, un modèle pour nos Australiens, et un groupe auquel, Crisis Tales en est une nouvelle démonstration, ils sont dignes d’être comparés.

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