Le pastiche est un exercice délicat, le réussir n’est jamais aisé. Plus rares encore sont ceux qui s’avèrent aussi aboutis que les œuvres qu’ils prétendent parodier. Au milieu de la décennie 80, les Dukes of Stratosphear y sont néanmoins parvenus, quasiment, quand ils nous ont transportés deux décennies en arrière, en plein apogée de la pop psychédélique. Les instigateurs de ce projet extravagant, derrière lesquels se reconnaîtront bien vite les membres de XTC, ont même poussé la farce jusqu’à prétendre que tout cela, cet EP apparu le 1er avril 1985 (25 O’Clock), puis cet album sorti deux ans plus tard (Psonic Psunspot), compilés plus tard sur ce Chips from the Chocolate Fireball, provenaient d’un groupe oublié des années 60.

THE DUKES OF STRATOSPHEAR - Chips from the Chocolate Fireball

Tout y est alors : guitares fuzz, flûtes folkloriques, instruments exotiques à la sitar et mellotron, ambiances éthérées, solos allumés, voix trafiquées et noyées dans des ambiances vaporeuses, paroles extravagantes et sous hallucinogènes, chansons dédiées aux drogues, à l’amour ou aux deux à la fois ("My Love Explodes", "You’re my Drug"), humour cocasse ("Have you Seen Jackie?"), pochettes baroques, titres abscons à rallonge, pseudonymes étranges et so british (Sir John Johns, The Red Curtain, Lord Cornelius Plum, E.I.E.I. Owen, Swami Anand Nagara).

On pourait s’y tromper, s’il n’y avait cette production moderne de John Leckie, si Psonic Psunspot, plus sage et moins délirant que 25 O’Clock, ressemblait moins aux travaux habituels de XTC, et si le groupe avait moins appuyé ses clins d’œil aux grands de cette époque : Byrds ("You're my Drug"), Beatles ("The Mole from the Ministry"), McCartney solo ("Brainiac’s Daughter"), Beach Boys ("Pale and Precious"), Pink Floyd ("Bike Ride to the Moon"), Kinks ("You're a Good Man Albert Brown"), Hollies ("Vanishing Girl"), Electric Prunes ("25 O'Clock")...

Tous ces titres sont des parodies, et pourtant, ils sont diablement bons. "25 O’Clock" est un tube certifié, "The Mole from the Ministry" le plus convaincant décalque des Fab Four qui soit, "Vanishing Girl", "Shiny Cage", "Brainiac’s Daughter" et "Pale and Precious" quelques unes des plus belles chansons jamais écrites par le groupe. Ils sont en fait nettement plus réussis que si XTC avait choisi la voie plus académique et plus respectueuse de l’hommage, du tribute.

En se lâchant, en échappant quelques temps à la lourde responsabilité de l’artiste, à sa recherche illusoire du neuf, en essayant, non plus de s’affranchir de ses modèles, mais d’en reproduire les recettes les plus séduisantes, d’en extraire la substantifique moelle, le groupe propose alors avec Chips from the Chocolate Fireball l’un de ses albums les plus réjouissants. Pas le meilleur, non, mais un complément bienvenu à Skylarking, enregistré dans les mêmes temps, et dont il exploite, de façon plus débridée, légère et voyante les mêmes influences.

Acheter cet album