C’est un peu l’oublié d'Ozone Music, un disque qui n’est jamais allé au-delà du succès d'estime pour une petite portion du public hip-hop. The Sanity Annex avait pourtant reçu un accueil favorable à sa sortie, y compris d’une certaine presse grand public. Mais jamais, même après la signature prévisible de Rob Sonic chez Def Jux, Sonic Sum n’a eu la notoriété de ses compères issus de la même scène.

SONIC SUM - The Sanity Annex

Le groupe partageait pourtant l’essentiel avec Company Flow, Antipop Consortium, Saul Williams, et les autres habitués du Nuyorican Poets Café : il était porté sur le futurisme, l’abstraction et l’expérimentation. La ressemblance avec Mike Ladd, notamment, était très forte : même tendance à donner dans une rap poetry hallucinée, même prédilection pour les tempos lents et pour les voix filtrées ("Sara-Inge", "Eratika"), même capacité, parfois, à abandonner les raps pour de savants soundscapes, mêmes samples orientalisants ("Flatlands"). En creusant bien, on trouvait aussi quelques similitudes avec Breezly Bruin des Juggaknots, avec cette façon qu'avait Rob Sonic de laisser tomber sa voix en fin de phrase.

Sonic Sum avait aussi des atouts dont ses collègues ne disposaient pas. Armé de quatre producteurs (Erik M.O., Fred Ones, Jun, et Rob Sonic lui-même), le groupe avait porté une grande attention à ses sons. A la tonalité synthétique de l’ensemble, il avait pris soin d’ajouter quelques instruments live, guitares, flûtes, et ces lignes de basse jouées par Erik M.O. lui-même. Tout cela, joint au chant de Rob Sonic sur certains refrains, conférait à l’album un tour mélodique rare, qui aurait pu interpeller durablement d’autres gens que les fans hardcore de rap indé.

The Sanity Annex contenait des moments très forts, comme la fabuleuse entrée en matière "Velour 80 Grit", l’oppressant "Flatlands" et le tout aussi sombre "Sky Pirate". Parfois l'instrumentation très relax fonctionnait à plein ("Salad Fork") ou presque ("Callarama Gala", "It’s an Ashtray"). Les audaces stylistiques comme "Anaesthesia Make Believe", avec ses samples de chants d’oiseaux, étaient aussi à distinguer. Et pour ceux qui avaient la chance de l'avoir, une édition bonus du disque incluait une dernière plage sans titre remarquable, et très atmosphérique.

Mais à cause de passages tout juste moyens ("Window Seat"), voire passablement creux et lymphatiques ("Eratika", "Sara-Inge"), le disque pouvait paraître soporifique. Trop soigné, trop soucieux de ne pas trop en faire, construit presque uniformément sur des rythmes lents, sans interlude ni invité, The Sanity Annex pouvait sembler longuet, il était moins tonitruant que les œuvres sorties par des Co-Flow ou des APC. Et de ce fait, il resterait réservé aux happy few.

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