Go Beat :: 1998 :: acheter le disque

Si la plupart des albums sont enregistrés en studio plutôt qu'en live, ce n'est pas un hasard. C'est ainsi qu'on les peaufine, qu'on les perfectionne, qu'on les rend digne d'une écoute à domicile, dépourvue de l'ambiance d'une salle de concert et de la présence physique des musiciens. Le live sur galette en plastique, bien souvent, ça ne fonctionne pas si bien que cela. Et de fait, même s'il est tout à fait digne d'écoute, Roseland New York Live est l'album le plus faible de Portishead.

Au départ, ça semblait presque une bonne idée. Toutes ces cordes auraient pu profiter à Portishead, rendre leur musique plus intense, plus ample, plus pénétrante encore. Mais en fait, non. Malgré ce côté plus organique, malgré un "Sour Times" franchement différent de l’original avec cette Beth Gibbons qui finit en furie, les compositions s'avèrent finalement proches de celles des albums studios. Tous ces musiciens sollicités pour l'occasion ne leur apportent pas grand chose. Ce que l'orchestre symphonique du Roseland Ballroom de New-York nous offre ici, Geoff Barrow parvenait déjà à le faire rien qu'avec ses machines.

Pendant quelques instants, fort heureusement rares, cet exercice live rend même visible le seul vrai défaut avec lequel Portishead a parfois flirté, sans jamais s’y consumer : ce lourd pathos qui, ici, et ici seulement, parfois, penche du mauvais côté, comme en cette fin de "Roads" où Beth Gibbons, dans un silence religieux, étrangle sa voix comme si elle jouait dans je ne sais quelle tragédie de série B.

Cette version de "Roads", parlons-en...

"Roads", c'est normalement le titre le plus majestueux de Portishead, le plus poignant. C'est le plus déchirant, le plus élégiaque, celui que l'on contemple avec silence et respect, comme à la messe. Celui auquel des cordes pourraient aller le mieux, aussi. Malheureusement, ici, un vilain public danois (ce titre est l’un des deux à ne pas avoir été enregistré à New York) croit rendre hommage à ce titre en le ponctuant d'applaudissements patauds, et le gâche ainsi bien bêtement.

Certains titres sortent pourtant gagnants de cette entreprise, et ils sont tous issus du deuxième album de Portishead, ce mal aimé, ce décalque du premier, la fraicheur en moins. Sur ce live, ils sont sublimés, et s'enchainent sans honte ni ridicule aux meilleurs moments de l'intouchable Dummy, ils se comparent sans mal aux versions pourtant très à leur avantage de "Glory Box" ou de "Mysterons".

C’est bien là qu’est tout l’intérêt de ce live. Si "Only You" y sonne un peu fade, il redore au contraire ces titres méconnus que sont "Over" et "Cowboys", présentés ici dans des versions assez magistrales. Alors d’accord, peut-être, au bout du compte, le Roseland New York Live est-il le Portishead le moins irréprochable. Mais il faut mettre cela au regard des autres albums, tous ou presque excellents.