Comme tout a déjà été dit sur Ocean Rain, souvent considéré comme le chef-d'oeuvre des hommes-lapins de Liverpool, abordons-le sous un angle personnel. Et partant, que les choses soient claires : Echo & the Bunnymen, j’étais trop jeune pour ça. C’était un groupe pour ma grande sœur. Ca a longtemps été pour moi le produit d’un autre âge, l’une des ultimes flammes d’une époque post-punk révolue, un truc daté et déclinant, une lubie de la génération d’avant.

ECHO & THE BUNNYMEN - Ocean Rain

Plus tard, comme j’en voyais certains continuer à ne jurer que par Echo, j’ai tenté le grand saut, je me suis hasardé à acheter Heaven Up Here. Mais ce disque n’a alors fait que renforcer mes préjugés : je n’entendais dans ces chansons poisseuses et tristounettes qu’une horreur musicale au son bien trop estampillé années 80, je trouvais le chant d’Ian McCulloch trop emphatique et forcé. Et puis un peu plus tard, quand Will Sergeant et lui refirent surface, l’album d’Electrafixion ne me donna pas une envie folle de me pencher sur leurs travaux passés, malgré la fille en bikini sale sur la pochette. Jusqu’à ma découverte d’Ocean Rain.

Sur ce qui est reconnu comme leur meilleur album, la formule était proche de ce que je connaissais déjà du groupe : les arrangements étaient datés, les chants ampoulés, la tonalité à la fois sombre et héroïque. L’emphase était même décuplée, le groupe ayant sorti l’artillerie lourde avec sa pléthore d’instruments, xylophone, glockenspiel, synthé, piano et une profusion de violons dégainés par l’orchestre avec lequel le groupe avait enregistré l’album, à Paris.

Cette fois, pourtant, ça le faisait.

Bien sûr, il y avait les singles : le superbe "The Killing Moon", ce titre parfait, ce genre de tube que même l’homme de la rue connaît, sans pouvoir lui mettre un nom dessus ; "Silver" avec sa succession de cordes chatoyantes et de guitare psyché à la Byrds ; et puis "Seven Seas".

Mais à ces titres systématiquement cités quand il faut rendre grâce à Ocean Rain, il faut ajouter quelques trésors, qui les valent bien. "Nocturnal Me", par exemple, et son jeu de contrastes. Contraste entre un couplet enjoué et un refrain profil bas. Contraste entre les cordes enflammées et des instruments plus discrets, ici une guitare acoustique, là ce qui ressemble à un hautbois. Ou bien "The Yo-Yo Man" et le finale parfait tout en violons soyeux qu'est "Ocean Rain", deux morceaux certes moins ardents qu’un "Crystal Days" et que cet épique "Thorn of Crowns" tout plein d’onomatopées à la Alan Vega, mais largement aussi mémorables.

Sur Ocean Rain tout ou presque vaut le détour, les temps morts sont inexistants, justifiant l’expérience menée en 2008 par McCulloch, Sergeant et les autres quand, dans un exercice prisé des vétérans rock depuis peu, ils ont livré sur scène une version complète de l’album.

Echo & the Bunnymen ont alors rappelé que cet ambitieux disque était une œuvre en soi, et qu'Ian McCulloch ne plaisantait qu’à moitié quand il déclarait à l'époque de sa sortie, en toute modestie, qu’Ocean Rain était le meilleur album jamais enregistré. Une déclaration à l'emporte-pièce, faite à la va-vite au téléphone, une déclaration fausse et ironique (il n'y a qu'à entendre le chanteur répéter cette phrase sur la version live de "My Kingdom", sur la dernière réédition du disque, pour en capter l'auto-dérision), mais tout de même, pas totalement infondée.

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