Warner :: 1996 :: acheter ce disque

Miho Hatori (chant, rap), et Yuka Honda (clavier, production) évoluaient en effet en plein cœur de l'élite rock en question. Elles bénéficiaient d’un sacré carnet d’adresses, côtoyant le Jon Spencer Blues Explosion, Masada, They Might Be Giant, les Boredoms ou encore Soul Coughing, un autre spécimen de rap mutant typique de l’époque. Aussi, la seconde avait été mariée un temps à Dougie Bowne des Lounge Lizards, et elle deviendra la petite amie de Sean Lennon, le fils de John et de Yoko Ono. Plus tard encore, quand elles auront reçu les faveurs des college radios et de MTV, nous les verrons participer à l’aventure Gorillaz, et apparaître dans un épisode de Buffy Tueuse de Vampires. Mais leur succès n’était pas qu’une affaire de networking. La musique, et tout particulièrement celle de ce premier album, se montrait tout aussi charmante et sexy que ses deux créatrices.

Ni la pochette, ni le titre hommage au L.A. Woman des Doors, ne donnaient un aperçu clair du contenu du disque. Pour mieux le deviner, il fallait plutôt se référer au nom du duo, "dingue de bouffe" en italien. Car ici, tout le propos se résumait au thème de la nourriture, décliné sur un mode humoristique (cette femme qui prépare un repas d’anniversaire douteux à son fils et sa bru sur "Birthday Cake") ou torride (ce "White Pepper Ice Cream" ambigu). Même quand elle reprenait le titre d’un autre, avec sa version coquine du "Candy Man" de Sammy Davis Jr., même sur les titres les sensuels et les plus personnels, même pour des sujets plus nobles, Hatori usait et abusait de la métaphore culinaire, comparant par exemple son cœur à un artichaut à peler et à goûter avec délicatesse ("Artichoke").

Drôles, bien vues, les paroless étaient renforcées par une musique bien fichue, où Cibo Matto jouait avec habileté des contrastes entre le chaud et le froid - pardon, entre le salé et le sucré - où le duo alternait avec réussite titres évanescents ("Artichoke", "White Pepper Ice Cream"), refrains délicieusement cheesy ("Sugar Water", "The Candy Man") et malins ("Know your Chicken"), coulées d’orgue rétro ("Le Pain Perdu") et crises d’hystérie hardcore ("Birthday Cake","Beef Jerky").

Tout était futé et sexy sur ce premier disque de hip-hop blanc, ou jaune, exemple accompli en ces années 90 d’une musique multi-genre et multilingue (on parle tour à tour anglais, japonais, italien et français sur ce disque), globalisée, synthétique, œcuménique et, tout autant, originale, savoureuse, exquise.