Le Mot et le Reste :: 2008 :: acheter ce livre

Le fil conducteur est autre, et c'est dans la préface signée Florent Mazzoleni qu'il faut en trouver l'exposé. Ce texte, tout comme les commentaires de disques qui suivent, rappelle qu'il existe une histoire commune des musiques Black, qu'ils sont tous liés à la longue lutte des Noirs pour leur reconnaissance et pour leurs droits. Ce besoin premier peut se traduire en engagement politique et spirituel ou, au contraire, dans l'hédonisme, l'érotisme et l'exacerbation des sens. Il a donné naissance à des genres aussi distincts que le jazz, le blues, la soul, le funk, le philly sound, le reggae, l'afro-beat, le disco, le rap, voire le rock des Bad Brains. Mais au fond, tout cela relève de la même logique, des mêmes motivations.

Philippe Robert montre qu'il existe une matrice commune à toutes ces musiques, notamment lorsqu'il présente les connexions entre les auteurs de tous ces albums, quels que soient leurs registres, qu'il s'agisse d'oeuvres difficiles et expérimentales ou de disques à consommation rapide. Indirectement, il démontre qu'il serait impossible d'étudier chacun de ces styles de façon cloisonnée, en faisant fi des influences réciproques de l'un à l'autre, ou en oubliant que quelques artistes, dont Herbie Hancock est le représentant le plus évident, ont su s'illustrer dans des genres distincts. Ce faisant, l'auteur présente une sélection aussi riche, pertinente et avertie qu'avec son livre sur le rock, suggérant pour chaque album d'autres pistes, d'autres artistes, d'autres disques, tant et si bien que Great Black Music est une source presque inépuisable de suggestions d'écoute, qu'il va bien au-delà des 110 objets annoncés. Et qu'en cela, il remplit la même mission que Rock, Pop.

Les rares défauts de cet ouvrage, eux aussi, sont les mêmes que pour l'autre : le livre pâtit d'un style un peu lourd, ainsi que d'un traitement superficiel de la période récente. Le rap, par exemple, même dans les listes complémentaires qui apparaissent en fin de livre, n'est représenté que par des disques habituellement cités par la critique rock. Une fois encore, pour les années 90 et 2000, Philippe Robert préfère des artistes passéistes qui, tels Mos Def et Meshell Ndegeocello, actualisent les musiques noires des années 60 et 70, ceux qui évoquent ce qu'il a aimé de cette époque, plutôt que ceux qui ont continué vraiment à les faire vivre et à les faire évoluer. Cette réserve pèse bien peu, cependant, comparée aux nombreuses heures que nous allons passer encore à dénicher, à découvrir ou à redécouvrir avec curiosité ou plaisir tous les trésors cités dans ce nouveau volume.