Cette fois, ça n'est carrément plus du hip-hop. Ca ne l'était déjà qu'en partie du temps du recommandable Hue and Laugh and Cry. En se voulant le défricheur de la scène rap post-Anticon (un terme malheureux qui laisse penser, à tort, que ces artistes sont des suiveurs, alors qu'un Ceschi a produit ces dernières années des disques plus passionnants que ceux du label à la fourmi), la première compilation dévoilait des titres sérieusement métissés de pop, de folk ou d'électronique. Mais formellement, dans l'ensemble, ça restait grosso modo du rap. Alors que là...

COMPILATION - Once a Hue, Always a Hue

Hue / Inpartmaint Inc. :: 2007 :: acheter cet album

Cette nouvelle compilation commence par un artiste Morr Music, Radical Face, dont le rapport avec le genre se limite à ses beats pour les disques folk rap d'Astronautalis, également présent ici. Et elle se poursuit avec les titres les moins hip-hop des artistes les moins hip-hop de la scène hip-hop internationale, des Américains (Astronautalis, Ceschi, Neila, Otem Rellik…), des Canadiens (Factor, Nolto…), des Belges (Nomad, Siaz), un Italien (Giardini Di Miro via Nuccini!) et, pour cette fois, un sérieux contingent de Français (AndrRomak, Pastry Case, Pierre the Motionless). Ici, et avec tous ces gens, ça rappe un peu, mais les guitares et les effets électroniques ont la part belle, les mélodies prennent franchement le pas sur le rythme, les épanchements se substituent aux prouesses techniques.

Ceci dit, et même s'il faut persévérer pour passer outre l'apparence fade de l'ensemble et oublier l'impression d'amateurisme dégagée par certains, Shin Ohsaki montre une fois de plus qu'il sait faire preuve de discernement. Même s'il laisse passer ce parangon de nerdisme qu'est le "Sea an Enemy" de Flowtation Addvice et quelques autres du même acabit, ce qu'il retient de toute cette scène n'est pas le plus mauvais. Par exemple, quand il sélectionne un morceau de l'album raté de Filkoe, "Sa-Crow-Peah", il vise le haut du panier. Le "Firm Ground" de l'Entropy Project, la collaboration entre la rappeuse Neila et le producteur Factor sur "One Last Word", sont des inédits qu'il fait plutôt bon connaître. Les deux titres de Nomad montrent qu'il est l'homme talentueux de Zucchini Drive, malgré cette voix d'homme-enfant triste susceptible d'en énerver plus d'un. Et bien sûr, Ceschi est toujours aussi impeccable, que ce soit en solo sur "Crowded City", ou dans le cadre du projet Deadpan Darling, avec Blue Sky Black Death.

Ce n'est certes pas avec ça que le patron du label nippon s'affirmera comme un vrai fan de rap. Il n'aime dans le genre que ce qui ne lui ressemble pas. Mais il n'en est pas moins un homme de goût, même sur cette compilation plus insipide que celle d'avant, et il a bien raison de se proclamer "Hue un jour, Hue toujours".