Un jour, plus tard, Oddjobs sera redécouvert. Parce qu’en à peu près cinq années d’existence, le quintet a livré avec régularité des albums d’une qualité constante. Parce qu’il a côtoyé des acteurs reconnus de l'underground, Cannibal Ox, Aesop Rock, Atmosphere et Eyedea, et qu’en conséquence, les fureteurs et les passionnés du futur n’auront aucun mal à retrouver sa trace. Avec un peu de chance, leurs disques échapperont ainsi aux poubelles de l’histoire du hip-hop.

POWER STRUGGLE - Arson at the Petting Factory

Mais pour l’heure, et depuis quelques mois, Oddjobs n’existe plus. Après un Expose Negative sorti au début de 2005, ultime album aussi recommandable que ses prédécesseurs, le groupe s’est dissout. Plus exactement, il continue son chemin sous le nom de Kill the Vultures et en l’absence de Deeltax, l'un de ses deux DJs. Installé en Californie, à Berkeley, celui-ci est tout de même resté lié au rappeur Nomi, et les deux ont fondé ensemble le duo Power Struggle.

Arson at the Petting Factory, leur premier album, est sorti chez les punks de New Disorder Records. Cela n’a rien d’extraordinaire, il est déjà arrivé que ce type de labels accueille ce genre marginal de rap. Mais dans ce cas, cela se justifie d’autant plus que le disque est franchement rock. Avec son hip-hop organique, Deeltax nous avait habitués au son des guitares, des basses et des batteries. En outre, avant qu’Oddjobs ne soit fondé, le DJ avait déjà mêlé rap et rock au sein de Bad Ronald. Cependant, à part sur un Expose Negative annonciateur avec des titres comme l’excellent "Smoke", il s’était rarement fait aussi pêchu. Le premier Power Struggle est rempli de vraies instrumentations rock, rock de bout en bout, sans sample ni machine trop visible, et avec des riffs qui arrachent, la touche rap se résumant aux harangues de Nomi.

La longue histoire des fusions entre rock et hip-hop est parsemée de désastres. Mais chez Power Struggle, cela fonctionne. Très bien, même. L’album a les caractéristiques des bons disques rap, celui où un DJ et un MC qui collaborent de longue date sont sur la même longueur d’onde. Sur des guitares lourdes ("Arson at the Petting Factory", "This One") ou quasiment cold wave ("Letters") de Deeltax, Nomi adopte le registre adéquat et prend la pose du rebelle. Il appelle à l’insurrection, s’en prend à son pays et à ses représentants et peint le monde avec des couleurs sombres ("Working Class Drinker", "The Bad Side of Town"). Pour un peu, certains titres se prêteraient à un pogo. Tandis que sur d’autres, couve un feu ardent ("Kill Winter").

Comme à la longue, tout cela pourrait devenir épuisant, les deux compères font peu à peu varier la formule. A mi-chemin de l’album, Deeltax met la pédale douce. Il sort une guitare et un saxophone tristes sur "The Bad Side of Town", une intro façon The Cure sur "Lost on a Starless Night", une nappe de synthétiseur sur "Hurt Healer" et un piano sur "Keep it Goin Now". Il offre également une longue musique indolente et jazzy à Nomi sur "King Phillip", pour donner au Philippin d’origine l'occasion de revenir longuement sur le pays de ses ancêtres le temps d’un spoken word. Le plus satisfaisant dans tout ça, en dépit de passages moins mémorables (par exemple "This One"), c’est qu’il est difficile de désigner un titre qui soit au-dessus des autres, tant est constante l’excitation des nerfs et des neurones sur cet album. Sous d’autres formes et d'autres modes, mais sous les meilleurs auspices, l'épopée des anciens d'Oddjobs se poursuit.

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