Dans vos dîners en ville, vous pourrez citer le nom de Curse ov Dialect, et vous vanter de connaître le nom d’un groupe de rap australien. Voilà déjà quelque chose d’assez inhabituel. Mais l’intérêt du groupe de Melbourne ne se limite pas à sa nationalité. Comme le laisse supposer la présence de ce premier album disponible à l’international sur le catalogue Mush Records, l'excellent label spécialisé dans le hip-hop atypique, DJ Paso Bionic et les MCs Raceless, Atarungi, August 2, Vulk Makedonski, ne donnent pas dans le rap habituel. A l'inverse, ils s’en distinguent sur bien des points. Ce qui frappe à prime abord, à l’écoute de Lost in the Real Sky, c’est cette profusion ahurissante de samples dans tous les coins. Les Australiens ne se sont pas contentés des sons jazz, funk et soul auxquels le hip-hop s’est souvent cantonné. Bien au contraire, ils illustrent et ont pris à la lettre le principe très juste selon lequel il n’y a pas de mauvais sample. Du premier titre, un "Baby How" qui s’ouvre sur des bruits de ciseaux, au dernier, "Water Thicker than Blood", qui se clôt par celui d’une goutte qui tombe.

CURSE OV DIALECT - Lost in the Real Sky

Les cinq compères se sont tous collés à la production et cela donne un impressionnant patchwork qui peut sonner médiéval ("Family Assorted"), électronique tordu ("Munro") ou reggae ("Vertical Ascension"), et qui va piocher sa musique sur tous les continents possibles. Ce qui est on ne peut plus logique pour un groupe composé d’un Maltais, d’un Maori, d’un Indien, d’un Macédonien et d’un Pakistanais d’origines, dont la première vocation était le militantisme antiraciste et dont le mot d’ordre est "all cultures bound together" (sur l’excellent "All Cultures"). Quant aux raps et aux phrasés, ils sont à l’avenant. Pour accompagner ces samples dans tous les sens, rien ne vaut un flow tout fou, un réjouissant bordel punk rap qui se mêle de géopolitique et qui ne s’interdit rien. Alors bien sûr, tout cela est trop long, trop riche, trop touffu. Mais il serait franchement dommage de passer à côté de l’hymne "Multicultural Markets" ou d’un "Upside Down Frowns" aux faux airs de Beastie Boys, mais en plus allumé encore. A défaut d’être irréprochable, Lost in the Real Sky est vraiment un album à connaître.

Acheter cet album