Certaines personnes considèrent légitime de snober une grande partie de la scène indé, sous prétexte qu’elle vit principalement sur le Net. Si c'est le cas, inutile de se soucier de Sankofa, adepte du netceeing, et connu quasiment que sur le Web. Mais ce MC a prouvé l’an dernier sur l’album Invest Mentality des White Collar Criminals qu’il avait du talent. Nous avons donc voulu en savoir plus et lui avons demandé une interview. Une interview par email évidemment.

SANKOFA - Interview

Sankofa, en premier lieu, peux-tu nous dire qui tu es et comment tu es venu au hip hop ?

Pour ceux qui ont entendu mes enregistrements, je suis Sankofa alias erehwoN naM. Pour tous ces gosses en primaire dont je remplace les profs, je suis Monsieur B, et pour la plupart de mes amis je suis Stephen.

Mon collectif est la Society of NIMH (JON?DOE, Kashal-Tee, AthenA et Spon) .... J’ai commencé par entendre un rap bègue (une parodie de Morris Major and the Minors) vers 87 et je me suis demandé comment diable ils avaient réussi à tirer un aussi beau bruit de leur disque. Ce 45 tour est devenu la première pièce de ma collection ridicule (qui n’a rien à voir avec celle, par exemple de mon collègue de WCC et de Silversmith JON?DOE). Le premier morceau rap à peu près sérieux que j’ai entendu est le "Parents Just Don't Understand" de DJ Jazzy Jeff and the Fresh Prince, à peu près en même temps que "The Ave" de Run DMC, que "Push it" de Salt’n Pepas (la postérité a démontré que cette chanson contenait autant de rap qu’un freestyle de Lil Kim avec Funk Flex) et que "Turn this Mutha Out" de MC Hammer.

Je suis né en Australie mais j’ai déménagé aux Etats-Unis (au Minnesota plus précisément) à 14 ans la même année qu’est apparu YO ! MTV et qu’il était diffusé cinq minutes après que le bus me ramène de l’école.

Quelles sont tes principales influences, hip hop et au-delà ?

J’ai été inspiré plus qu’influencé, et la plupart de cette inspiration vient de types comme The D.O.C. (mon idôle), Ice-T, MC Ren (sa voix était démente), Chuck D, Redman, Ras Kass (période Soul on Ice et sur le bootleg d’avant, que j’ai récupéré autrefois sur une cassette poussiéreuse) et d’autres que des trous de mémoire me font oublier.

Invest Mentality est le premier album "professionnel" des White Collar Criminals, et l’une des meilleures sorties de l’an dernier selon notre webzine. Quels autres retours avez-vous eu à son sujet ?

Tout d’abord, merci pour ce compliment. Comme le dirait mon pote Kashal-Tee, "cette reconnaissance nous prouve que nos efforts en valaient finalement la peine". Nous avons eu de bons retours sur cet album et espérons que d’autres auditeurs le découvriront encore. C’est une grande récompense après tous nos efforts pour nous mettre d’accord sur le son, le graphisme, le financement, la promotion et tout le reste, tout en étant séparés géographiquement. Bref, si tu aimes cette musique, dis-le a un de tes amis ou à 12, car le bouche à oreille est notre meilleur allié.

Tu peux nous parler de Kashal-Tee ?

Bien sûr, ce type est mon principal pote et mon mentor, il m’a appris à rapper vers août 98 et m’a engueulé par e-mails à chaque fois que j’ai déclaré dans une interview qu’il était mon mentor. Pour être honnête, JON?DOE a été une très grosse influence sur le MC que je suis toujours en train de devenir. Kash est un type bien aussi qui reste malheureusement fixé sur l’idée que sa feuille blanche est un obstacle insurmontable. Kash est un petit suédois trapu avec une façon de marcher désinvolte et une voix pleine d’assurance en provenance directe de l’Est new-yorkais. Je me souviens d’un type qui m’avait demandé "mais pourquoi Kash ne rappe-t-il pas avec on véritable accent ?" et de ce que je m’étais dit "pourquoi veux-tu qu’il sonne comme une marionnette de suédois, et qu’il se met à sortir des rap sur les "crochy stars" ou des trucs comme ça ?".

Parle nous un peu du netceeing. Comment as-tu commencé à le pratiquer ? Qu’est-ce que ça t’a apporté ?

Je vois le netceeing comme une pré-saison, un endroit où tu puisses travailler ta technique et tes conditions mentales jusqu'à ce que les bases soient jetées. Je suis reconnaissant envers tout ce temps passé à sortir des rimes sur le net, ça m’a aidé à explorer des choses plus conceptuelles, et l’immédiateté des feedbacks a montré que j’étais plus apte à absorber les choses de ma vie et à ressortir mes expériences et mes observations sous forme de mots.

Tu peux nous donner ton opinion sur le Scribble Jam et les autres MC battles ?

Les battles sont une façon formidable d’avoir tout de suite du répondant, c’est vraiment dommage que mon cerveau ne soit pas très fort pour les réparties du genre "tu es laid / tu es bête / tu es gay...". Ca serait utile en tant qu’outil promotionnel, ça me permettrait d’atteindre et de marquer plus de gens avec ma musique.

Quelles sont tes relations avec des gens tels que DJ Kno des CunninLynguists, iCON the Mic King ou encore MCK2 & Shorty Raw ?

Le point commun est l’amitié, je dirais. Tant que le rap ne paie pas, autant continuer à enregistrer des titres avec des amis et par la même occasion, avec de l’espoir, à étendre ses connections. Ca me permet de finir mes journées avec l’impression d’avoir accompli des choses d’intérêt avec des gens bien.

Finissons avec nos questions standard : qu’y a-t-il sur ta playlist actuellement ?

Des beats pour différents projets (Mic Dagger, unAuthordox, the Moth) et mon album transféré d’un CD à la première face d’une cassette de 90 minutes embobinée et ré-embobinée à l’infini tout en continuant à écrire.

Que connais-tu du rap français ?

Tu vas me tuer, car tout ce que j’ai entendu c’est MC Solaar.

La plupart des Français de comprennent pas les paroles des rappeurs américains. Tu réagis comment à cela ?

Tu enlèves "Français" dans ta phrase et ça résume le hip hop et la musique en général. En bref, les gens n’écoutent pas, tant que ça ne sonne pas bien. Je me tue à écrire mes propres lyrics, mais je n’arrive pas à me rappeler la dernière fois où j’ai vraiment pris la peine d’écouter les paroles d’une chanson à la radio (bon d’accord, la dernière fois c’était un truc de J Lo avec cet horrible rappeur crooner sans talent, Ja Rule, qui racontait comment droguer une nana pour se la faire - le même mec qui a dédié une autre chanson à sa fille ?).

J’ai fait un grand effort pour faire de mes paroles quelque chose de plus tangible et de ma création quelque chose de moins égocentrique. Quelque chose de plus conforme à cette règle qui veut qu’un art dépasse les bafouillages d’un artiste pour devenir quelque chose d’acceptable et de partageable.

As-tu l’intention de venir en concert en Europe ? Sankofa live in France, c’est possible ?

Mort de rire. Il y a quelques temps, un promoteur m’a proposé de participer à une grande tournée dans 10 villes européennes (y compris en France), les flyers et tout le reste étaient prêts. J’approche ce genre de chose en "espérant le meilleur mais en ne comptant sur rien". Si un type qui fait de la promo passe par ici, qu’il me contacte, je suis prêt pour un concert (c'est les seul endroit où il reste quelque chose de la pureté du hip-hop, selon moi), travaillons d’ici sur la logistique.

Un message spécial à tes fans français ?

Merci d’avoir pris le temps de lire cet interview et merci d’avoir écouté ma musique. Si elle vous plaît, passez le mot, le bouche à oreille est la meilleure arme. Préparez-vous aux prochains maxis de JON ?DOE sur WildWest (Yeah! et son remix et Hard Rock avec AthenA), et à l’album Ragnarok des Silversmiths qui sortira cette année.

Si vous voulez avoir une idée de ce que j’ai fait jusqu'à maintenant je peux vous vendre un CD-R, Obese America. Mon email est notsankofa@hotmail.com. Je cherche toujours des beats pour mon album solo et mon budget est toujours de zéro. Attendez-vous au site de Sankofa un de ces jours et ne paniquez pas quand vous verrez des boîtes à sardine et à thon Sankofa.