Astralwerks / Source :: 2002 :: acheter ce disque

Joseph Patel récidive. Après s’être profondément concentré sur l’art du turntablism (l'appréciable compilation Deep Concentration), il choisit de s’élever avec constance à l’aide d’un nouveau projet sorti conjointement chez Astralwerks, vulgarisateurs de l’électronica aux Etats-Unis, et chez Source. Au menu du yoga musical de Constant Elevation, quelques inédits issus de l’intelligentsia hip hop indé (El-P, APC, la Freestyle Fellowship, le vétéran Steinski, PBW, Madlib, Chief Xcel) mélangés aux compositions principalement instrumentales d’artistes moins connus (notre ami Omid, Recloose, Z-Trip ainsi que That Kid Named Miles, le bassiste/chanteur de Breakestra).

Comme toujours dans ce genre d’entreprise, les célébrités conviées jouent avant tout le rôle de parrain. L'attrait vient d'abord de leur nom et de la présence systématique d'inédits, a plupart de leurs titres étant au niveau ou légèrement au-dessous de leurs moyennes habituelles. Seuls se distinguent vraiment "Crab Lice", encore plus minimaliste qu’un titre normal d’Anti-Pop Consortium, et dans une moindre mesure, "Rawcore", une seule et unique plage où se succèdent un exercice turntablist signé Peanut Butter Wolf et une instru plus intimiste caractéristique de Madlib. Chief Xcel, de son côté, donne un "Multitude" assez proche des travaux de son compère DJ Shadow période Endtroducing... tandis que Freestyle Fellowship s’en sort bien sur "Crazy". Le "Day After the Day After" d’El-P, en revanche, s’apparente en tous points à une chute de studio sans grand intérêt.

Le fil rouge qui unit les autres morceaux de Constant Elevation est une dominante calme et instrumentale, plus électronique. Délaissant les DJ’s virtuoses au profit de compositeurs, Patel donne à sa compilation un faux air de musique de salon, tout juste tempéré par l’arrivée ça et là de rythmiques hip hop et de scratches, notamment sur le "Backyard Banger" de Z-Trip. Le titre le plus gonflant est le "Chiqwanga" de Recloose, pourtant le plus dansant et le plus housy du lot, les plus réussis sont le "Vox Apolisitica" de Steinski et le "Wading Venus" d'Omid, tandis qu’une saveur agréable mais peu persistante se dégage de "Slight Amnesia" et "Backyard Banger".

Cette saveur agréable et peu persistante est précisément celle qui résume le mieux Constant Elevation. A en croire Astralwerks, Patel souhaitait, après les manifestes turntablists de Deep Concentration, et en contrepoint, rappeler que l’art de composer était compatible avec le hip hop et la musique électronique. Dommage qu’il l’ait fait avec des artistes qui n’ont plus rien à prouver et avec d’autres qui, même bons, ne cassent pas la baraque ni ne renouvellent le genre. Résultat : une bonne compilation qui devrait moins marquer les esprits que celles qui l’ont précédée.