EMI :: 2002 :: acheter ce disque

Il y a tout sur cet album de La Rumeur, premier essai longue durée après trois maxis. Les beats jazzy indolents. Le minimalisme de bon aloi. Le ton grave. La noirceur excessive, dès le titre, dès la pochette et ses rappeurs encapuchonnés. L’hommage aux chers disparus. La victimisation ("A les Ecouter tous"). Un long hommage aux racines parcouru de poncifs (l’Algérie avec "Premier Matin de Novembre" et "Ecoute le Sang Parler", les séquelles de l’esclavagisme sur "365 Cicatrices", l’immigration et ses ingratitudes sur "Le Cuir Usé d’une Valise"). Bref, tous les passages obligés du rap français conscient sérieux de rue grave pas drôle normal.

Pourtant, L’Ombre sur la Mesure est bon. La raison en est vite repérable. Elle tient en un ou deux mots : la concision, le dépouillement. C’est une chance, les petits chaperons noirs de La Rumeur font subir un régime Weight Watcher au hip hop d'ici, et lui offrent un album homogène, fluide et naturel. De nombreux tics subsistent, plus dans les thèmes que dans le style. Mais la sévérité de l’album lui épargne le wannabisme congénital et l’aspect souvent laborieux de ce cancre de rap français.

Côté paroles, des propos crus et des formules lapidaires, comme l’impose un rap qui se veut immédiatement intelligible, excusent la paranoïa ambiante. Et le désespérant fatalisme général, dont ils reconnaissent eux-mêmes l’existence, n’exclue pas certains passages lucides. Côté beats, des boucles sobres, rétives à tout superflu, servent au mieux l’atmosphère poisseuse prédominante. La Rumeur, c’est heureux, ne lève le ton qu’à bon escient, au bon moment, avec parcimonie ("Le Silence de ma Rue") et ne flanche qu’à la fin, quand trop d'invités viennent se couler dans leur moule austère sur le pénible "A les Ecouter tous".