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Il serait tentant de rejeter The Herbaliser dans le vaste magma groovy nu soul vaguement électronisant dans lequel une grande partie du rap anglais semble aujourd’hui sombrer, après une promesse déçue de renouveau. Il serait tentant, sur la foi d’accents soul, funk et lounge et d’un panorama musical varié, de considérer Jake Wherry et Ollie Teeba comme les héritiers tardifs d’un acid jazz de triste mémoire. Bref, il serait tentant de passer vite fait sur leur nouvel album.

De nombreux reproches peuvent lui être adressés, en effet. Par exemple les titres rappés, garanties gonflantes (et d’ailleurs insuffisantes) de ne pas être classés trop vite dans les bacs "trip hop" des disquaires. La plupart d’entre eux sont superflus. Le "Distinguished Jamaican English" de Phi Life Cipher et le "Good Girl Gone Bad" rétro de Wildflower passent encore. Mais ce n’était vraiment pas nécessaire de faire venir Iriscience et Blade pour des titres aussi pénibles que ceux de leurs formations respectives, Dilated Peoples et Blade. En fait, à l’image de Very Mercenary avec "Road of Many Signs" (en compagnie des Dreams Warriors), seul un rap est ici vraiment bon : un "It ain’t Nuttin" servi par notre super-héros préféré à tous, MF Doom.

The Herbaliser sont des beatmakers. Ils perdent leur temps à saborder leurs albums à coups de rappeurs moins bons MCs qu’ils ne sont bons producteurs. Les instrumentaux et les titres chantés de l’album, presque tous supérieurs aux passages rappés, en sont la preuve. C’est grâce à eux et à MF Doom que Something Wicked this Way Comes commence et finit bien. Grâce au somptueux "Something Wicked" orchestré et interprété par Seaming To. Grâce aux grandes plages façon BO blaxploitation de "24 Carat Blag", "Battle of Bongo Hill", "The Hard Stuff", "Unsungsong", agréables quoiqu’un peu trop douillettes et confortables, au-dessus desquelles surnage le plus relevé "Worldwide Connect".

Certes, dans l'ensemble, Something Wicked this Way Comes est un album inégal, encombré d’invités superflus et d’instrumentaux complaisants. Mais après tout, Blow your Headphones et Very Mercenary, bien accueillis en leur temps, ne l’étaient-ils pas tout autant ? En gardant la tête froide, sans se laisser entraîner par le flux de nos espoirs et de nos déceptions vis-à-vis du hip hop anglais, il faut tout de même reconnaître à Jake Wherry et à Ollie Teeba le statut de bons artistes.