Source :: 2001 :: acheter ce disque

Il y a deux ans, le raffut autour de KLR nous avait permis cinq secondes de croire en l'impensable, en l'inimaginable, en l'inespéré. La presse et quelques fans nous vendaient soudainement le groupe de rap français auquel nous n'osions plus rêver, le posse imaginatif et décomplexé qui allait libérer le hip-hop d'ici de ses clichés, le sextet magique qui s'apprêtait à connecter la France au sémillant underground international. Nous nous précipitions alors chez notre disquaire le plus proche, le coeur plein d'espérance. Mais quelle ne fut pas notre déception quand nous découvrimes, en lieu et place des Arsonists ou des Rahzel (selon) français qu'on nous avait promis... un groupe de zouk.

Pas de doute, Saian Supa Crew avait alors bénéficié du marketing du siècle. Incroyable comment ces joyeux lurrons à l'humour digne de Roland Magdane (remember) avaient floué leur monde. Vendus allégrement sur les ondes rap françaises façon Bande à Basile (remember bis) pour ton fils et assimilés à la scène rap indé par ces incorrigibles Anglais, toujours enclins à s'enticher des premiers teletubbies venus, les six compères avaient bien réussi leur coup, même si, dans le même temps sortait un certain "Game Over 99" qui augurait de choses plus excitantes dans la catégorie "hip hop français différent".

Mais peu importe notre avis de nerds qui se la touchent. Toujours vaillant, le Saïan revient avec sa bonne humeur pas forcément communicative à l'occasion de X-Raisons, un second album très longue durée. Et, il faut bien l'avouer, le tout n'est pas trop mal. Passons le emceeing foufou, le rap onomatopée à la Busta Rhymes ("ah ! plus oh ! c'est uh ! haut oh ! ah !"), le phrasé ragga, l'humour navrant des interludes. Oui, passons, si nous en avons la force. Et concentrons-nous sur les instrus, globalement entraînantes, variées, ludiques, bien foutues et agréables comme tout, à quelques exceptions près. Exemple, le très sympathique "Tourner La Page" ce rap conscient intelligent qui tire habilement profit d'un sample accéléré de Nougaro.

Voilà l'explication et voilà tout pour la critique, Saïan Supa Crew sont si différents et tellement plus inventifs que leurs congénères que certains s'affolent et les trouvent géniaux. Certaine presse les a même comparés à Antipop Consortium. Les mêmes les avaient déjà assimilés à Arsonists et à Rahzel, comme on l'a dit, alors bon, pourquoi pas. Nous ne sommes plus à ça près. Enfin, tout de même, les Antipop Consortium français... Il faut mépriser le rap plus que nous encore pour sortir ce genre d'ânerie.

Il y a deux ans, le Saïan nous avait tellement été vanté qu'il nous avait cruellement, mais vraiment cruellement déçus. Maintenant que nous savons tous que c'est une bande de joyeux drilles qui font du rap gentil pour s'amuser, nous les trouvons plutôt sympas. Et puis c'est vrai, il serait mal placé de leur reprocher de ne pas ressembler au rap français normal, terriblement pleurnichard et tristounet. Specta, Sly The Mic Buddah, Sir Samuel, Vicelow, Feniski et Leeroy sont au moins des gens ouverts, personnels, imaginatifs et positifs. Des fans de Dragon Ball Z ne peuvent pas être tout à fait mauvais.

Seulement, idéalistes rabat-joies que nous sommes, nous continuons à attendre autre chose du rap français que des disques de variété, aussi réussis soient-ils. Et en cela, nous avons sans doute tort.