Son Doo :: 2001 :: oktoberzero.blogspot.com

Il est devenu rare de faire du rap traditionnel de qualité. Comme si tous les emcees talentueux d'autrefois avaient décliné, et que tous les nouveaux venus inspirés ne s'intéressaient plus qu'aux délires abstraits, futuristes et expérimentaux. Les exceptions se comptent sur les doigts d'une main : la lignée Binary Star / Athletic Mic League, les People Under the Stairs, J-Zone éventuellement, plus quelques magnifiques inclassables, ni conservateurs empoussiérés, ni créatures de science fiction, à la Slug. Oktober, un MC du Bronx, est à rajouter à la liste.

A vrai dire, aussi court soit-il, son EP The Zero est très inégal. Un titre, seul et unique, est vraiment extraordinaire. Mais avant d'en parler, ménageaons le suspense et attardons-nous sur les autres. La thématique qu'Oktober privilégie sur son disque n'a rien d'original : le new-yorkais parle de la rue. Mais il en parle bien, symboliquement mais âprement. Il en parle si bien que d'aucuns évoquent à son écoute un certain Nas...

Trois freestyles (dont un en compagnie de Bobitto Garcia et de Lord Sear) permettent de se concentrer sur les paroles et le phrasé. Mais ce sont les six autres titres, produits par Spear 1200, qui sont les plus accomplis. Dommage qu'ils soient mal répartis sur le EP. Ainsi commence-t-il très désavantageusement avec le jazz convenu de "Time to Build", et finit-il par la flûte irritante de "..When your Empires Collapse".

C'est vite compris, la production est là pour s'effacer devant le emcee et ne surtout pas voler la vedette à Oktober. Un beat répétitif, relativement académique suffira à "Cell Block" et plus tard à "Far East", un titre sur lequel le emcee se lance dans un parallèle déjà tenté par certains rappeurs français décalés : "four elements, fire earth water and wind, are the elements I'm in when recording begins"... De fait, la production n'est vraiment notable que sur le lent et cinématographique "Four Corners", et, dans une bien plus grande mesure, sur ce hit absolu qu'est "Frostbitten".

Sur ce titre, décrivant un New-York réellement et symboliquement paralysé par le froid et la glace, Oktober est accompagné à merveille par l'instru la plus dynamique et flamboyante, la seule en fait, de Spear 1200. Vraiment très bien, dommage que cela tombe si tôt sur The Zero. Encore une dizaine d'instrus de cet accabit, de la persévérance dans ses lyrics, un peu de chance, et Oktober pondra à son tour son propre Illmatic.