Il y a beau avoir de tout sur Electro Cypher, de quoi rassembler amateurs de grooveries pour night club et intégristes de rap de rue, le tout sonne constamment trop facile. Franchement, un coup pour rien.

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Allez. Afin de se préparer ou de se prémunir contre la guignolade hip hop qui fera s'émoustiller les éternels "branchés de l'année dernière" en 2001, remémorons-nous l'épisode précédent. Automne 2000, un an pile après les rappeurs yéyé de Saïan Supa Crew (on en rit encore), l'heureux élu était Electro Cypher. Evidemment, comme pour tous les hommages, l'intention au départ de cet album était louable : rappeler l'époque bénie où le rap pouvait se danser, où hip hop et musiques pré-house ou pré-techno se mêlaient allégrément avant de se brouiller pour quelques années. Au commande, un rappeur notoire normalement connu pour son intelligence, Akhenaton d'IAM, épaulé par les producteurs d'Al-Kemya (Akos, Hal, Zenn, Baron, DJ Sya Styles, DJ Ralph), Freeman, K-Rhyme Le Roi, Nuttea, Taïro et quelques autres.

Evidemment, la critique béate n'a pas tardé à applaudir l'initiative des deux mains. Celle-ci, peu sûre d'elle-même, a beau savoir qu'il est tentant et dangereux de confondre intentions et résultats, elle a été induite en erreur par le tube annonciateur "Belsunce Breakdown" de Bouga, qui lui a démontré le potentiel d'une telle initiative. L'excitation d'un pan de la scène électronique, tout content de trouver une caution très street à ses propres travaux a fait le reste. La plupart de ces gens, tout excités de découvrir au moins deux bons morceaux sur l'album, ont finalement confondu leurs désirs avec la réalité.

Que peut-on donc dire d'Electro Cypher, près d'un an après ? Que certains passages sont bons. Un titre comme "Fat Bass", idéal en intro, fait bel et bien bouger du popotin. Plus loin, le brillant "Yes Y'All" est même une réussite intégrale. Mais ce sont malheureusement des anomalies sur le disque, deux rares titres à sauvegarder sur cassette avant de revendre l'album. Car le reste, dans sa grande et désespérante majorité, pue le tribute faisandé. Prenons "Une Autre Dimension" par exemple : ce titre n'est plus un hommage, c'est une collection de clichés, l'étalage sur un seul titre de tous les signes distinctifs de l'electro, alignés comme dans un musée, sans pertinence, sans raison d'être, sans autre effet que celui d'irriter. Même jugement un peu plus tard pour le grotesque "Marseille is in the House".

Akh et sa clique tentent bien d'introduire de la nouveauté. "1986" se renforce d'un peu de ragga, "Stom ya Feet" de quelques rythmes tropicaux. Mais tout cela est sans grande conséquence. Faire sonner les nécessaires choeurs féminin comme une bien moderne soupe r'n'b n'est pas non plus la meilleure idée... Il y a beau avoir de tout sur Electro Cypher, de quoi rassembler amateurs de grooveries pour night club et intégristes de rap de rue, le tout sonne constamment trop facile. Ainsi le fiasco de 'Battle' : ce n'est pas franchement nécessaire que des rappeurs fassent de la musique dansante si c'est pour tomber dans les travers les plus infâmes de la French Touch en fin de règne. Ca n'est plus de la création, c'est de la recette de cuisine, de la pâte à crêpe à laquelle deux trois ingrédients incongrus ont été négligemment ajoutés.

Si l'intérêt d'Akhenaton lui-même pour l'electro est sans doute tout ce qu'il y a de sincère, les ressorts des retrouvailles rap / musiques électroniques consacrées par Electro Cypher et la quasi-unanimité autour ne sont peut-être finalement pas si nobles que cela. Après des années où elles se sont regardées en chien de faïence, les deux scènes ont enfin compris ce qu'elles avaient à gagner l'une de l'autre. Le succès de la french touch à l'étranger fait saliver les uns, l'imposant réservoir d'adeptes du rap français fait envie aux autres. Mais aucun rapprochement musical sérieux n'est à envisager. Il n'est même pas certain qu'il soit souhaitable.

Bien sûr l'electro était quelque chose de grand. Bien sûr musique électronique et rap ont autrefois convolé ensemble pour quelques beaux résultats. Il est nécessaire de rappeler ce passé aux jeunes foules qui composent les deux scènes. Mais cela n'oblige personne à raconter n'importe quoi sur cet Electro Cypher qui vient s'ajouter à la très longue liste des hommages superflus. Car qui voudra s'intéresser à l'electro hip hop ira directement puiser à la source, chez Bambaataa et ses confrères. Et celui qui voudra comprendre ce que l'electro est devenue au fil des ans ira plutôt se renseigner auprès de La Caution, en France, ou d'Anti-Pop Consortium, aux US, plutôt qu'auprès de ce tribute inutile de plus. Cette fois au moins, il sera certain de recevoir son lot d'émotions fortes.