Aucun de ses titres n’est un hit, mais Question in the Form of an Answer donne dans le conçu pour durer. Alors, amateurs de feeling jazz, oubliez dès maintenant les décevantes productions livrées par Gangstarr ces derniers temps, et n’espérez plus grand chose des oeuvres solos de Q-Tip ou de Phife Dawg. Votez People under the Stairs.

Om Records :: 2000 :: acheter ce disque

Les People Under the Stairs ont beau emprunter leur nom à un film d’épouvante de Wes Craven et venir de la turbulente scène de LA, n’attendez pas de rap démonstratif et outrancier de leur part. A l’opposé des délires gangsters coutumiers à leur ville d’origine, Thes One et Double K donnent dans un jazz rap calme, cool, discret et bien ouvragé, tel qu’on n’en fait plus, même sur la Côte Est. Un hip hop respectueux des origines, mais heureusement éloigné des pitreries old school de leurs voisins Jurassic 5 ou Ugly Duckling. Ensemble depuis 94, auteurs en 98 avec The Next Step de l’un des grands albums inaperçus de ces dernières années, les People Under the Stairs (PUTS, pour les intimes) récidivent en 2000 avec un tout aussi brillant Question in the Form of an Answer.

A la décharge du duo, ce deuxième album est quasiment sans défaut. Question in the Form of an Answer est bon de bout en bout, sans creux, sans perte de régime (excepté sur "Suite for Creepers" peut-être), exploit assez rare pour être signalé. A partir de l’orgue magnifique de l’intro, parfaite entrée en matière, s’étalent une vingtaine de titres en progression constante. Rien, pourtant, ne les distingue les uns des autres à première écoute, et l’aspect monolithique de l’album, taillé dans un seul bloc jazzy, est le seul véritable défaut que l’on puisse lui trouver.

Au fil des écoutes, cependant, chaque titre dévoile son identité, sa singularité, servi en cela par les samples très divers dont Thes One et Double K se sont servis. Des samples dans l’ensemble très connus, et tellement grillés qu’à ce qu’il paraît, les PUTS se satisfont pleinement de leur manque de notoriété, telle est grande leur crainte d’avoir quelques comptes à régler. "Yehaw Partystyles", par exemple, est allé faire un tour du côté de Gangstarr, "E-Business" reprend un sample aperçu chez A Tribe Called Quest (sur "Verses of the Abstract"), "Zignaflyingblow", ode à la fumette, un autre présent sur le classique "Ya Playin Yaself" de Jeru. Quand à "Freely Advice" il commence par une boucle entendue chez Ghostface Killah pour se terminer par une autre croisée chez Slum Village.

Le jeu peut se continuer encore longtemps, et il est assez distrayant. Il faut cependant signaler un autre élément qui concourt à aérer l’album. Si les PUTS renouvellent rarement leurs paroles (une célébration assez convenue du hip hop) et font manifestement une grosse fixette sur le jazz, ce dernier genre peut aussi bien prendre la forme d’un saxophone ("Blowin Wax", le single "The Cat") que d’une guitare (l’excellent et up-tempo "Yehaw Partystyles" déjà mentionné, le brillant "Code Check"), d’un orgue, d’un piano, de cuivres, d’habiles percussions ou de multiples autres sonorités. Le duo s’autorise aussi les effets de surprise, comme la chanson en espagnol qui clôt "Labels I Like".

Ceux, qui malgré tout cela, persistent à penser que les plats servis par PUTS sont rarement très relevés iront pour leur part jeter une oreille sur le génial "July 3rd". Ils n’oublieront pas non plus de détecter l’esprit de Tribe au sein de "Youth Explosion", de se rendre compte que les choeurs masculins ("la la la") de "Sterns to Western" sont une excellente alternative aux canons du r'n'b flasque de nos jours, ou d’écouter béat le sublime "Earth Travelers". Certes, aucun de ces titres n’est un hit, mais Question in the Form of an Answer donne plutôt dans le construit pour durer et vise plutôt le long terme. Alors, amateurs de feeling jazz, oubliez dès maintenant les décevantes productions livrées par Gangstarr ces derniers temps, et n’espérez plus grand chose des oeuvres solos de Q-Tip ou de Phife Dawg. Votez People under the Stairs.