Fantastic Volume II porte un titre bien trompeur. D'abord, il n'y a pas eu de véritable premier volume. Ensuite, et surtout, ce succès critique de l'an 2000 est bien loin de se montrer fantastique.

Wordplay / Source :: 1998 / 2000 :: acheter ce disque

Voici donc l’album qui, depuis plus d’un an, fait se pâmer toute une partie des puristes hip hop et les tenants, The Roots en tête, du rap dit "conscient". Enregistré dès novembre 1998, Fantastic Volume II (un titre trompeur, il n'y a jamais eu de Volume I) avait rencontré des problèmes de labels qui avaient empêché sa sortie. Des problèmes vite suppléés par le public underground, qui s’en était donné à cœur joie pour distribuer des bootlegs de l’album. Un an et demi et une très grosse rumeur plus tard, Fantastic Volume II voyait finalement le jour, de façon officielle cette fois.

Difficile, pourtant, de croire à un pur produit de l’underground. La présence de grands noms comme Busta Rhymes, D'Angelo, Pete Rock ou Q-Tip parmi les collaborateurs ne s'improvise pas, pas plus que celle de Jazzy Jeff, ancien partenaire de... Will Smith. Et pour cause. Une brève enquête indique que ce trio de MC’s venu de Detroit, composé de Baatin, de T3 et de Jay Dee, est en fait la créature de ce dernier, ancien membre du collectif de producteurs The Ummah et collaborateur de De La Soul, A Tribe Called Quest, The Pharcyde, Common (pour le meilleur) ainsi que de Janet Jackson et de Mariah Carey (pour le reste). L’underground hip hop abrite de drôles de gens, ces derniers temps. Mais fi des préjugés, penchons-nous sur cette œuvre pour comprendre pourquoi certains qualifient Jay Dee de meilleur producteur hip hop du moment. L’orgue indolent de l’intro l’annonce : l’ensemble de l’album est tout à fait conforme à ce qui est attendu du nouveau rap conscient, calme et largement influencé par plus d’un siècle de musique afro-américaine. Les compositions sont assez proches d’un Tribe Called Quest, mais d’inspiration funk et rare groove plus que jazz, Jay Dee appréciant les orgues, les vieux synthés, parsemés très discrètement à droite et à gauche, avec le goût prononcé du détail qui caractérise les producteurs exigeants.

La recette pourtant, tarde à prendre. Fantastic Volume II commence laborieusement, avec les refrains en chœurs et le léger relent old school de "Conant Gardens", sorte de Jurassic 5 mou, pour se poursuivre par d’autres titres tout aussi lymphatiques. A l’exception, peut-être, des petites et charmantes touches d’orgue de "Jealousy", et plus sûrement du formidable "Climax". Puis surgissent les gros collaborateurs de l’album. Q-Tip, d’abord, sur un "Hold Tight" qui ne décolle pas vraiment, puis, de façon plus convaincante, le sirupeux d’Angelo sur "Tell me" et ses choeurs blacks d’un autre temps, et Busta Rhymes, dont l’incroyable voix ranimerait le plus moribond de tous les titres.

Plusieurs écoutes permettent cependant de rendre justice au génie proclamé de Jay Dee, notamment au plein cœur de l’album, sur "Forth and Back", sur "Fall in Love" et sur le discret, ouaté et mélancolique "Untitled", un doigt au-dessus du reste. Il y a même cent fois mieux, au moment, curieusement, où Slum Village flirte le plus ouvertement avec la soupe : sur le "Climax" déjà cité et sa superbe voix, d’abord, et plus encore sur le "Get dis Money", un de ces titres qui justifient à eux seuls l’achat d’un album. Le morceau qui suit cette merveille, "Raise it up" vient idéalement remettre un peu de pêche à l’ensemble, Busta Rhymes toujours parfait dans le rôle du réveille-matin.

La suite, malheureusement, renoue avec un rap presque amorphe. Fantastic Volume II se termine dans l'ennui. De "Once upon a Time" (malgré le renfort de Pete Rock) à "Go Ladies", il ne se passe quasiment rien, sauf un petit, tout petit, quelque chose sur "Players" et sur "Hustle". Slum Village a beau paraître plus adulte que certains agités du bocal de l'underground, plus respectable, peut-être (quoique, les paroles ne sont pas si conscious qu'on l'aurait cru), l'âme noire tant vantée est loin de hanter tous les titres. Même s'il figure parmi les (re)sorties qui comptent de l'année 2000, ce faux Volume II n'est pas constamment fantastique.