Sorti en 1997, le premier Soundbombing est devenu une compilation culte. Locomotive de la scène hip hop indépendante, elle avait révélé au grand jour le label (Rawkus) et les artistes (Company Flow, Mos Def, Talib Kweli) qui allaient artistiquement dominer la fin des 90’s. Moins de deux années plus tard, Soundbombing revenait, en terrain conquis cette fois, paré du prestige et avec les moyens marketing de circonstance. Preuve de l'aura entretemps acquise par Rawkus, la compilation s'enrichissait de très nombreux artistes, parmi lesquels quelques vétérans hip hop connus pour leur intégrité, remplaçant avec succès Kool Keith, seul vieux briscard présent sur Soundbombing I.

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Q-Tip de Tribe Called Quest, Prince Paul, Pete Rock, les Brand Nubians et quelques autres se pressent donc ici, mais jamais au premier plan, se contentant d'introduire ou d'accompagner des artistes plus frais. Parmi ces derniers, naturellement, s'illustrent les héros du premier volume de la compilation, au meilleur de leur forme. Tandis que Mos Def prête main forte à The High & Mighty sur la énième version de leur "B-Boy Document" et annonce merveilleusement son album à venir sur "Next Universe", le duo Reflection Eternal (Hi-Tek et Talib Kweli) livre un bon "On Mission" ainsi que le sublime "Chaos", l'un des meilleurs titres de la compilation, où le contraste entre la production inspirée de Hi-Tek, la voix discrète de Talib Kweli et celle, grave, de la rappeuse Bahamadia fait merveille.

Autres vétérans de Soundbombing Vol. I, Sir Menelik sur "7xl" et, bien mieux encore, R.A. the Rugged Man sur "Stanley Kubrick", confirment leur immense talent. Company Flow, de son côté, propose un "Patriotism" qui dénote, véhémente charge politique contre l'Amérique post-reaganienne. Beaucoup moins immédiat que le reste de la compile, beaucoup plus radical, il confirme toutefois, après les plusieurs écoutes de mise, que CoFlow est bel et bien le meilleur groupe du monde. De fait seul Shabaam Sahdeeq, de plus en plus pénible, déçoit sur "Every Rhyme I Write" par rapport au premier volume.

Chez les nouveaux aussi, le bilan est globalement bon. En premier lieu pour Pharoahe Monch (fausse découverte puisque transfuge du groupe culte Organized Konfusion) qui délivre aux côtés du Sahdeeq susnommé un "WWIII" haut en couleur, suivi un peu plus tard du dévastateur "Mayor", au sample imparable et aux terribles choeurs féminins. D'autres, continuent sur la lancée, comme le fantasque et attachant Thirstin Howl III, ou les Dilated Peoples, fidèles sur "Soundbombing" à leur rap concis et incisif.

Curieusement, les deux derniers cités ne sont pas des artistes Rawkus, le label ayant choisi d'étendre le second Soundbombing à tout ce qui fait le rap de qualité en 1999. Y compris Eminem, alors en pleine explosion, qui ne livre malheureusement sur "Any Man", étalage de ses prouesses verbales, que le strict nécessaire : peut mieux faire. La compilation s'ouvre aussi au turntablism, offrant aux Beat Junkies la tâche d'enchaîner les titres et d'en créer les intermèdes, histoire de rajouter un peu d'humour et de virtuosité au tout.

Bref, Soundbombing 2 est l'état des lieux presque complet du hop hop indépendant en 1999. Et même si les premières oeuvres de Pharoahe Monch, de Thirstin Howl III ou des Dilated Peoples sorties les mois suivants n'auront pas la force de celles de leurs prédécesseurs, même s'il manque du monde à l'appel, même si ce second volume est un poil en dessous du premier, il mérite de le rejoindre dans la légende et l'histoire du hip hop. Un hip hop regénéré.