Trois sorties ont attiré l'attention sur les Masterminds : leur single "The Ante", sorti en 1998 et produit par Shawn J Periods ; un an après, le Live From Area 51 EP, fort d'une solide cote underground ; et dernièrement, l'excellent single "Seven/Liberty" sur lequel figure la crème du hip hop indépendant, El-P, J-Live et Shabaam Sahdeeq en tête, marquant d'emblée le pédigrée du trio. Sorti dans la foulée, The Underground Railroad est l'une des bonnes choses apparues en cet été 2000.

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Rien de nouveau pourtant chez ces Masterminds : le trio composé des MC's Oracle et Kimani et du producteur Epod donne dans un rap new-yorkais carré, à la jonction du conscious et du hardcore, inspiré, sans surprise et de leur propre aveu, par The Roots, Common et Organized Konfusion. Leçon de chose : une fois passée une petite fantaisie franchement rafraîchissante, "Hot Shit", "Liberty", sympathique face B du dernier single, minimale, rythmée, sautillante et accrocheuse, plante le décor. L'album se poursuit ensuite sur le même ton, avec un peu moins de bonheur, jusqu'à un premier tournant, le sombre et indolent "Joints 2000", auquel participe Mr Khaliyl (AKA Mr Mann) de Da Bush Babees. Le titre suivant "OneTwoThree", construit sur le sample bref et répété à l'envie d'une voix féminine, franchit encore un palier vers le bonheur, avant que The Underground Railroad ne perde un peu de sa magie.

Il faut ensuite attendre l'excellent "No Test" avant que les Masterminds, accompagnés par Mr Lif, autre carrure de l'undergound hip hop, ne retrouvent le niveau des premiers titres de l'album. Puis vient le boeuf de "Seven", extrêmement austère, tout juste bâti de petites touches d'orgue et de cuivres tronqués, et qui trouve toute sa force et sa dimension dès que surgit la voix blanche de El-P, apocalyptique comme jamais. Et enfin "Day One", ultime perle, apaisée mais dénonciatrice, chronique du racisme ordinaire toujours à l'ordre du jour dans le sud des Etats-Unis. Le thème est ancien, rabaché, sa poésie simpliste et dépouillée, mais la sincérité de ses interprètes aidant, il sonne toujours aussi juste.

Souvent impressionant, The Underground Railroad ne souffre donc que d'un gros défaut, caractéristique du format CD et de sa durée à rallonge : le manque de constance. Quelques titres au coeur de l'album auraient été supprimés que l'on tiendrait là l'une des meilleures sorties d'une année 2000 qui, déjà à mi-chemin, s'avère tout à fait passionnante.